Défis d’une vaste commune au charme authentique

– Pourquoi vous êtes-vous engagée en politique?
– Je ne l’ai pas fait avec un plan de carrière. Il y a douze ans, on m’avait proposé de devenir conseillère communale, mais ce n’était pas le moment. J’avais d’autres projets. Quand on est revenu me chercher quatre ans plus tard, je me suis dit «pourquoi pas?». J’ai toujours été très active au niveau des sociétés locales et j’aime gérer des projets. En janvier 2017, j’ai entamé mon mandat de vice-présidente et, en 2020, quand le président ne s’est pas représenté, je me suis lancée. En octobre prochain, je serai candidate pour un deuxième mandat.

– La fonction de présidente de commune a changé votre quotidien?
– Le regard des autres a changé. Vous n’êtes plus juste «Corinne». Lors d’une manifestation, par exemple, on vient souvent me parler parce que je suis la présidente de commune et qu’on a quelque chose à me demander. C’est l’occasion d’évoquer un projet ou un problème. L’anonymat a disparu. Mais, étant sociable, j’apprécie ces moments de partage. Je me rends compte aussi que je ne me balade plus dans la commune avec la même insouciance qu’avant. Maintenant, si je remarque quelque chose sur mon parcours, je me dis tout de suite que je dois le signaler à nos services.
La charge de travail est considérable et il faut pouvoir jongler avec une importante variété de sujets. C’est impossible d’en être conscient avant d’être en fonction. Il s’agit vraiment d’un engagement au quotidien mais qui amène de grandes satisfactions et grâce auquel on apprend tous les jours quelque chose.

– Quels sont les sujets qui vous tiennent particulièrement à cœur?
– Tous les sujets me tiennent à cœur. Je citerai peut-être les thématiques de la mobilité et de l’énergie, pour lesquels des dicastères ont été créés durant cette législature et dont j’ai pris la responsabilité.
Concernant l’énergie, notre première démarche a été d’établir un programme de politique énergétique, afin de nous fixer des objectifs concrets. Une première action a été de mettre en place une comptabilité énergétique des bâtiments communaux. Celle-ci a déjà abouti à une mesure d’assainissement de l’éclairage de notre bâtiment scolaire et d’optimisation de l’éclairage de notre parking communal.
En matière de mobilité, un plan directeur a également été établi afin de mettre en évidence les mesures prioritaires, tant au niveau des déplacements individuels motorisés que concernant la mobilité douce et les transports en commun. Le champ d’action dans ce domaine est large, tant notre territoire est vaste. De nombreuses améliorations sont nécessaires, notamment pour faciliter mais aussi sécuriser les déplacements à pied ou à vélo, mais aussi pour améliorer notre offre en matière de transports en commun. Dans ce sens, un premier pas a été franchi en 2021, lorsqu’une partie de la Commune a pu rejoindre le réseau de bus urbain MobiChablais.

– Qu’en est-il du chauffage à distance?
– A Morgins, une société privée, dont la commune est en partie actionnaire, exploite un réseau de chauffage à distance alimenté en grande partie par le bois des forêts de notre bourgeoisie. D’importants travaux ont été effectués en 2023, afin notamment d’assainir la centrale et de revoir le système de traitement des fumées. Cela dans le but d’assurer la poursuite du développement de ce réseau, l’obectif étant de passer de 70 bâtiments actuellement reliés à 130 à terme.
Ce chauffage à distance permettra, à l’horizon 2035, d’économiser 3000 tonnes de CO2 par an. A Troistorrents, un réseau plus modeste alimente actuellement les principaux bâtiments communaux. Il est également prévu de le développer pour alimenter tout le centre de notre village.

– Avez-vous de grands projets en cours?
– Plusieurs grands projets sont en cours d’étude, notamment pour agrandir notre école, notre EMS et réaménager toute la traversée du village de Troistorrents. Mais notre projet le plus abouti, et qui devrait démarrer prochainement, porte sur l’aménagement de la place du village de Morgins, destiné à donner à la station un vrai cœur de village, en grande partie piéton. Le projet devrait être mis à l’enquête cet automne et les travaux pourraient débuter en 2025 ou 2026, pour une livraison du centre en 2027. Le budget est estimé entre 1,8 et 2 millions. En parallèle, pour assurer l’avenir villageois et touristique de Morgins, nous travaillons sur un projet de modernisation de notre centre sportif, dont les infrastructures sont vieillissantes.
Le dernier grand projet à Morgins, qui concernait un bâtiment accueillant des salles de classes, une salle polyvalente et un restaurant, remontait à la fin des années 90. En 2021, la commune a lancé «Morgins Demain», un projet participatif afin de dessiner le visage futur de la station. Nous avons organisé des sondages et des ateliers citoyens dans le but d’associer plus concrètement à la réflexion la population, les propriétaires de résidences secondaires et les commerçants. C’est de cette démarche que sont issus les projets d’aménagement de la place et de modernisation du centre sportif. La nouvelle place apportera de la verdure et de l’ombre, tout en offrant des espaces de détente et de pique-nique, ainsi que des jeux et une fontaine ludique. Elle sera modulable et pourra également accueillir des événements.

– La population de Troistorrents est maintenant de 5000 habitants…
– Nous avons connu une progression constante et très rapide ces dernières années et nous constatons un déséquilibre dans l’évolution des catégories d’âge, avec une tendance à un certain vieillissement de notre population. Cette tendance est plus marquée à Morgins, probablement en lien avec les nombreux résidents secondaires qui, une fois à la retraite ou en approchant, décident de déposer leurs papiers dans notre commune. Le défi est de rester attrayant pour toutes les catégories d’âge, afin de maintenir un profil de population varié, favorable à une vie sociale harmonieuse.
Malgré la hausse de la population, les infrastructures sont adaptées, mais certaines approchent de leurs limites. Nous sommes notamment en train d’agrandir la nurserie et la crèche dont le nombre de places passera respectivement de 5 à 10 et de 27 à 32 dès la fin de cette année. Notre école devra également être agrandie dans les prochaines années et notre réseau d’eau devra se développer afin de garantir un approvisionnement en suffisance.

– Qu’en est-il du tourisme?
– Comme de nombreuses autres stations, Morgins s’oriente de plus en plus vers un tourisme quatre saisons. Nous voulons rester une station accessible aux familles et répondre aux attentes d’une clientèle qui recherche un certain calme, l’authenticité et la nature, et non pas l’ostentatoire. Deux projets hôteliers sont à l’étude. Le premier, qui pourrait être mis à l’enquête publique avant la fin de l’année, porte sur une centaine de lits en résidence hôtelière. Le deuxième projet, en discussion avec le groupe Swisspeak Resort, pourrait prendre place sur une parcelle appartenant à la bourgeoisie et devrait offrir 500 lits supplémentaires à la station. La commune espère une mise à l’enquête en 2025. D’autres projets pourraient encore voir le jour, ce qui devrait permettre, d’ici dix à quinze ans, de proposer 1000 lits – contre moins de 100 aujourd’hui – à Morgins.

Propos recueillis
par Virginia Aubert