Suivant sa mission, l’Association Hemma a saisi une nouvelle occasion: celle d’acquérir, il y a quelques mois, la maison Karmin à Loëx/GE.
/
société - Vivre avec une fragilité de la mémoire
La Maison Karmin, une «auberge de campagne» peu ordinaire
Le vieillissement de la population est une évolution démographique incontestable. En outre, la prévalence à la maladie d’Alzheimer et autres formes de démence progressent en fonction de l’âge. D’après les estimations actuelles, quelque 153 000 personnes (315 400 en 2050) sont concernées en Suisse par ce mal sournois, les femmes étant davantage prédisposées. Si la maladie d’Alzheimer est plutôt associée au grand âge, une proportion non négligeable a moins de 65 ans, voire beaucoup moins. Notre société n’est pas prête à faire face à ces défis, en particulier lorsque les premiers stades de la maladie se manifestent.
Bien que des infrastructures et des services pour les personnes âgées existent (HUG, EMS, Pro Senectute, Imad, foyers de jour, etc.) à Genève, elles ne sont pas forcément en adéquation avec les besoins des personnes atteintes d’Alzheimer et/ou se focalisent uniquement sur la dimension médicale; par ailleurs, les prestations destinées aux proches aidants font largement défaut.
Un environnement sécurisant, sans être limitant
Créée en août 2021, l’Association Hemma a pour but de répondre à l’une des lacunes les plus criantes: créer, gérer et développer un lieu de vie pour des personnes de moins de 65 ans, diagnostiquées Alzheimer (ou autres démences) à un stade moyen. Porté par l’Association et grâce à des fonds privés, un premier projet a vu le jour: l’acquisition de la maison Hemma à la rue de Carabot 17B (Bernex/GE) en décembre 2021. Les deux années qui suivirent furent consacrées à la rénovation, avec une grande attention portée à l’organisation de l’espace, aux matériaux, aux couleurs, à la lumière, etc.
C’est en septembre 2023 que les résidents prirent leurs quartiers sous la forme d’une colocation avec accompagnement non médicalisé et implication des proches. S’inspirant de modèles développés en Suède (d’où le nom «hemma», soit «à la maison»), cette structure est actuellement en phase pilote et de pérennisation.
Une extension de la demeure est envisagée et d’autres lieux d’accueil similaires devraient voir le jour. La maison Hemma marque le début d’une série d’initiatives de mise en réseau visant à créer et développer des prestations d’accompagnement ciblées en collaboration et en complémentarité avec l’offre genevoise existante.
Franchir les étapes pas à pas
L’Association Hemma propose un accompagnement intégré à divers niveaux (social, psychologique, sanitaire) des personnes avec, elles-mêmes, une fragilité de la mémoire et de leurs proches dans la continuité, à savoir autant en amont que possible et au fil du temps. Suivant sa mission, l’association a saisi une nouvelle occasion: celle d’acquérir, il y a quelques mois, la maison Karmin.
Pour trouver la formule d’accueil la plus adéquate, diverses activités pilotes sont prévues durant l’été/automne 2024, en collaboration avec de nombreux partenaires; cette «auberge de campagne» a une double vocation:
– Devenir un lieu de rencontre pour les personnes avec des fragilités de la mémoire, mais aussi pour leurs proches, les habitants du quartier, etc. Des événements seront organisés, ainsi qu’une petite restauration: l’occasion de faire connaissance et d’initier un accompagnement personnalisé pour réduire les risques psycho-sociaux comme la solitude, l’isolement ou encore le surmenage des proches aidants. Il est également possible pour une personne seule ou en couple de passer un court séjour à l’écart du quotidien.
– Devenir un centre de compétences proposant des formations, sensibilisations, supervisions et autres conseils à l’adresse de professionnels de divers domaines (médical, social, sécurité, transports, ressources humaines, etc.) et de la population.
Les maisons Hemma et Karmin sont des projets innovants en Suisse qui font parler d’eux, au-delà des frontières. Mais plus que des lieux, c’est une approche empreinte de poésie à laquelle nous invite l’Association Hemma. «La personne présentant une fragilité de la mémoire vit, voit et appréhende son environnement avec les ressources qui sont les siennes à un moment précis. Elle nous fait découvrir une représentation de la réalité qui peut nous sembler étrange. Vouloir imposer notre propre paradigme va nous éloigner. En revanche, nous engager dans son univers est souvent la clef pour entretenir des relations stimulantes et rassurantes», résume Mikaela Halvarsson, qui encourage chacun à poser un autre regard sur la démence. Un regard qui, comme elle le dit si bien, «peut nous échapper si nous nous prenons trop au sérieux, nous et notre propre monde».
