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culture & nature - Le Parc du chocolat Cailler à Broc/FR

Une expérience inédite bientôt réalisée

6 Mar 2024 | Culture, histoire, philosophie

Alors que la Maison Cailler à Broc a accueilli 437 640 personnes en 2023, soit la fréquentation la plus élevée jamais réalisée depuis son ouverture en 2010, un Parc du chocolat Cailler, dont le budget global est devisé à 200 millions de francs, est en cours de développement. Nestlé Suisse s’est notamment engagée à céder au porteur du projet, Jogne Invest, les terrains et bâtiments nécessaires à la construction, dans et autour de la fabrique de Broc. Daniel Bulliard, président du Conseil d’administration de Jogne Invest et p.-d.g. de Bulliard Groupe à Fribourg (cf. Le Journal de l’Immobilier No 90, du 13 septembre 2022), a bien voulu répondre à nos questions.

– Daniel Bulliard, à qui doit-on cette idée du Parc du chocolat à Broc?
– L’initiateur de ce projet est Olivier Quillet, jusqu’en décembre cadre chez Nestlé Suisse, qui a consacré ses deux dernières années à la préparation de cette infrastructure. Il a vu cette magnifique usine, dans son environnement montagnard, et il a eu l’idée de voir encore plus grand pour Maison Cailler. Il a porté le projet pour Nestlé au Canton, qui a été séduit par ce projet. Nestlé a estimé que son cœur de compétence était la production de chocolat et a accepté que ce projet passe à des personnes extérieures locales, avec une structure adaptée à ce projet d’envergure. Finalement, c’est notre équipe, avec Jean-Bernard Buchs, Olivier Quillet et Jean-Luc Mossier, qui s’est vu donner la chance de réaliser ce projet, qui mettra d’autant plus en valeur la magnifique fabrique de Broc et donnera davantage de visibilité à la marque Cailler là où elle est produite, dans son cadre humain et naturel.

– Quelles sont les caractéristiques de ce parc à thème?
– Ce n’est pas un parc Walt Disney, ni un musée du chocolat comme on en voit ailleurs en Suisse. Il y aura quelques attractions, mais le point principal est le chocolat, son histoire et surtout sa fabrication dans la tradition chocolatière de Cailler, plus ancienne marque de chocolat suisse encore en activité et produite à Broc depuis 125 ans avec du lait de 57 producteurs locaux. L’idée est de faire entrer les gens en les immergeant dans le travail du chocolat, en leur faisant vivre une expérience, à travers un parcours qui peut durer jusqu’à six heures.
On va investir les espaces actuellement désaffectés et employer 3000 m2 à 4000 m2 à côté des ateliers pour créer ce parcours qui continuera dans l’usine actuelle. Là, on verra exactement ce qui se passe dans l’usine, avec par exemple la démonstration d’une ancienne ligne de production d’un produit emblématique de Cailler. Ensuite, il y aura des attractions pour les enfants, où ils pourront déambuler dans le monde du chocolat. Actuellement, la Maison Cailler occupe une surface de 2000 m2 et le Parc du chocolat en occupera 30 000. Une deuxième étape consistera à utiliser l’ancienne halle des conches. On est aussi en train de travailler sur la création d’une ferme fribourgeoise modèle, avec un paysan producteur de lait, des vaches et d’autres animaux de la ferme. Il est prévu de construire aussi un hôtel et une auberge de jeunesse. Tout cela se fera en plusieurs étapes.

– Vous êtes aussi investi émotionnellement dans ce projet…
– Oui, ma grand-mère était ouvrière à Broc et j’allais, enfant, la chercher ou l’accompagner à l’usine Cailler, qui comptait 1000 employés à cette époque, parce que j’aimais ma grand-mère, qui était une personne extraordinaire. Je connaissais presque l’usine par cœur. J’ai eu d’autres péripéties positives avec Nestlé. Le fait de revenir à Broc, en fin de carrière, avec ce projet, c’est quelque chose d’exceptionnel. C’est en somme apporter ma passion pour faire connaître une marque de chocolat avec laquelle j’ai des liens autres que purement professionnels.

– Quelles sont les conditions de réussite de ce projet?
– Il fallait que les autorités soient avec nous, que Nestlé le soit également. Nous avons pu signer fin décembre 2023 des conventions qui nous permettront, une fois obtenus les permis de construire et les financements du parc, de reprendre la Maison Cailler, d’acheter des bâtiments et d’utiliser la marque Cailler. Tout cela nécessite beaucoup d’argent!

– Où en est le processus de réalisation?
– Actuellement, nous avons pu déposer le Plan d’aménagement de détail ou Plan de quartier en vue d’obtenir les préavis des services cantonaux concernés. A fin février, ce plan doit retourner à la commune de Broc et celle-ci va aussi se déterminer avant de le mettre à l’enquête jusqu’à la fin juin. Cette phase permettra de recueillir d’éventuelles oppositions. Parallèlement, on a toute une planification, avec des scénographes et deux compagnies, une anglo-américaine et une hollandaise. Electro Broc, sorte de musée de l’électricité appartenant au Groupe E, pourrait devenir une attraction du parc. Tout le parc fonctionnera d’ailleurs avec de l’énergie renouvelable, notamment d’origine photovoltaïque. Les architectes travaillent sur les premiers bâtiments. Il est envisagé, si tout se passe bien, d’inaugurer le parc entre l’été 2026 et l’hiver 2027. D’ici là, la production chocolatière ne sera pas interrompue et la Maison Cailler continuera à accueillir des visiteurs.

– Comment éviter des oppositions?
– Nous avons eu la chance de rencontrer la population concernée lors d’une première conférence en ligne en 2022 et d’une soirée d’information à l’automne 2022. Il est prévu d’informer à chaque étape les personnes concernées, notamment les riverains et les associations de défense du patrimoine naturel ou qui s’occupent de mobilité. Il y a eu une belle présentation, avec une grande maquette, au Comptoir gruérien et cela a beaucoup rassuré. Les Brocois sont conscient que ce parc va valoriser un savoir-faire gruérien. Les milieux touristiques sont naturellement très motivés par ce projet. Pour convaincre la population que nous allons réussir à passer de
400 000 à plus de 800 000 visiteurs, ce que la cité comtale de Gruyères reçoit chaque année, il a été décidé de fermer le parking situé près de l’usine, d’interdire les routes communales au trafic, d’ouvrir un parking payant souterrain en dehors du village et d’assurer une liaison vers l’usine via un téléphérique-ascenseur, une forme de mobilité douce. Il y a aura aussi à cet endroit un «flying theater», un visionnement de film en suspension donnant l’illusion d’être à bord d’un hélicoptère ou d’un avion survolant la Gruyère. Quelque 50% des visiteurs du parc viendront soit en train, grâce à la ligne de chemin de fer rénovée en 2023 (cf. Le Journal de l’Immobilier No 88, du 30 août 2023), soit en car. Les visiteurs supplémentaires viendront en transports en commun.

– Comment est financé ce projet de parc?
– Jusqu’à présent, nous avons réussi à construire les premières étapes en levant des fonds dans la région pour un montant de 2 millions. Il nous faut bien sûr plus d’argent et ce sont des investisseurs au sens plus large, des family offices qui nous ont fait part de leur grand intérêt à la création de ce parc à plus de 200 millions de francs. Ils interviendront lorsque les permis de construire auront été délivrés. Le parc sera réalisé par étapes et, par exemple, la ferme modèle sera réalisée en deuxième ou troisième étape.

 

Propos recueillis par
Laurent Passer