Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Pour qui aime la haine
La vue de la haine réveille
en certains ces pulsions
contenues et elle affaiblit les
censures.
La diffusion de la haine à une échelle internationale s’effectue essentiellement par les réseaux sociaux, qui permettent à de nombreux provocateurs, à des illuminés, des barbares malins et des islamistes de s’exprimer avec liberté pour toucher une audience importante. Les images diffusées en boucle assurent une propagande répugnante et font qu’une indifférence s’installe peu à peu. L’indifférence à la haine, au racisme et à l’antisémitisme gagne du terrain et cette anesthésie des esprits favorise la propagation de l’extrémisme. Le mot de Luther King s’impose comme jamais: «Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants; c’est l’indifférence des bons».
On sait que le bonheur ne trouve pas de place dans la haine, alors on s’en accommode en haussant les épaules et en se disant après tout que «l’homme est toujours un loup». Mais nous sommes en butte à un phénomène qui nous dépasse, qui dépasse notre volonté: chacun a en lui un ferment de haine ordinaire, une zone sombre – «thanatos», disait Freud -, le versant sinistre de notre âme. La plupart parviennent, Dieu merci, à réprimer ces élans puissants, à les transformer, à les émousser et finalement à vivre avec eux. Mais la vue de la haine réveille en certains ces pulsions contenues et elle affaiblit les censures. La haine revigore la haine, le désir de mort, de cruauté: chacun sait, en raison, que c’est une monstrueuse sottise, mais chacun, en passion, peut vérifier à quel désordre aveugle la haine peut conduire.
Mais si la haine est aveugle, elle a des oreilles. Collectivement, des individus peuvent se transformer en monstres sanguinaires; ils hurlent, vocifèrent. Ils tiennent l’autre pour un être étranger à leur propre espèce, déraciné de son humanité et qui, ce faisant, a perdu sa dignité d’homme. Le slogan «Mort aux Juifs» ne se lance qu’au sein des foules; il passe de bouche à oreille, il se renforce à mesure qu’il se propage, s’auto-intoxique de lui-même. Il existe une dimension orale à la haine, alors que souvent l’amour demeure muet.