Réemploi et recyclage, vedettes helvétiques

Le patrimoine que nous voulons tous transmettre aux générations futures doit s’inscrire dans un environnement de qualité, au sein duquel le secteur immobilier joue un rôle fondamental. Après une période d’euphorie et d’utilisation parfois débridée de nos ressources, nous sommes contraints aujourd’hui de réduire la consommation d’énergie dans le cadre de projets de développement urbain et d’assainissement de bâtiments, tout en préservant la substance bâtie ancienne. Comment concilier ces objectifs? Quels enseignements pouvons-nous retenir du passé? Quels peuvent être les apports des techniques contemporaines? Telles sont les questions auxquelles veulent sensibiliser les organisateurs suisses des Journées européennes du patrimoine qui auront lieu les 9 et 10 septembre 2023.

Quatre cents rendez-vous

Parmi les nombreuses offres, l’on pourra notamment visiter des bâtiments dont l’usage ou la restauration s’inscrivent dans le thème des Journées. A Carouge/GE, le site de Battelle, construit entre 1953 et 1972, est exemplaire des évolutions que connaît l’architecture industrielle durant les Trente Glorieuses. Sur le modèle des campus américains, il incarne une utopie libérale fondée sur l’innovation et teintée d’environnementalisme. Ce projet résiste mal aux dérégulations financières et le site est vendu à l’Etat de Genève en 2001. Il abrite désormais plusieurs centres universitaires. La visite sera l’occasion d’explorer l’architecture des lieux, l’idéal qu’elle devait incarner ainsi que les vies ultérieures du site.
Toujours à Genève, l’ancien Manège, construit en 1829 et transformé en parking pour fonctionnaires dans les années 1950, vient d’être réhabilité en lieu public abritant une maison de quartier, un espace de vie enfantine, une ludothèque et un restaurant scolaire. La réutilisation des éléments structurels et constructifs, combinée à des démolitions ponctuelles et des ajouts minimes, a permis aux architectes lauréats de mettre en valeur les qualités historiques et spatiales du bâtiment. Une visite architecturale vous fera découvrir l’histoire et les dernières transformations du bâtiment.

Un pangolin fribourgeois

Dans le canton de Fribourg, au centre du village d’Ependes, l’atelier de poterie Potsfink a réinvesti les locaux d’une ancienne laiterie-fromagerie. L’imposante cave est utilisée de manière idéale, alors qu’une extension récente (Le Pangolin) met subtilement en valeur le bâtiment protégé de l’ancienne laiterie et ouvre l’atelier sur les champs. Les 6000 tuiles nécessaires à la couverture du bâtiment ont été fabriquées sur place par le potier.
Dans d’autres cantons, l’on pourra visiter des stations d’épuration et y découvrir le parcours de l’eau, de sa maison jusqu’à la STEP, et les différentes étapes permettant de rendre à la nature une eau propre et d’excellente qualité pour la faune et la flore. Eau de vie en revanche en Valais où la Distillerie Morand à Martigny, entreprise familiale plus que centenaire, allie tradition et innovation, avec des eaux-de-vie historiques mais aussi des produits novateurs créés grâce à des installations modernes permettant de grandes économies d’énergie et des mesures telles que la valorisation des déchets.
L’étude du patrimoine bâti – la compréhension des chantiers anciens, réalisés avec une grande économie de moyens et une réutilisation importante des matériaux – ouvre sans doute des pistes de réflexion pour les défis qui nous attendent ces prochaines décennies.

Laurent Passer