Patrice Galland prépare en douceur l’arrivée de la cinquième génération.

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régies romandes - Galland & Cie SA, régie immobilière à Lausanne

Grandir dans la discrétion

29 Mar 2023 | Articles de Une

Dans le canton de Vaud, seules trois régies familiales peuvent revendiquer d’avoir atteint la quatrième génération dirigeante. Galland & Cie SA est la plus ancienne des trois. Patrice Galland prépare en douceur l’arrivée de la cinquième génération. Pour en arriver là, il a dû affronter des vents contraires, qui ne l’ont pas arrêté.

«Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants». À quelques mots près, cette phrase aurait pu être prononcée par Patrice Galland, administrateur de la régie lausannoise qui porte son nom. Dans sa bouche, la phrase devient: «Je ne suis qu’un outil pour transmettre l’entreprise à la génération suivante».
Cette modestie sied à un parpaillot, comme il se définit avec humour, un huguenot dont la famille a quitté le Dauphiné lors de la révocation de l’Edit de Nantes pour trouver refuge à Genève. Cette ville a d’ailleurs une rue Charles Galland, nommée d’après l’arrière-grand-oncle de Patrice, qui était doyen des agents de change à la fin du XIXe siècle.
La branche dont Patrice Galland descend a, elle, pignon sur rue à Lausanne. Son arrière-grand père, Alfred – le frère de Charles – y ouvre en 1889 Galland & Landys, qui deviendra la Banque Galland & Cie. Il crée également un service immobilier que Maurice Galland, son fils, développe. En parallèle, ce dernier fonde avec plusieurs confrères la Société vaudoise des Régisseurs.

Un recentrage sur l’immobilier

La troisième génération intègre l’entreprise en 1948, en la personne de Philippe Galland. En raison d’un «putsch» au sein de la banque, il crée Burnier et Galland en 1954. Depuis, la famille s’est recentrée sur l’immobilier, abandonnant toute activité bancaire.
Patrice Galland rejoint la régie en 1988 au service des ventes, qui n’avait plus de courtier. «La première année, j’ai fait 450 000 francs d’honoraires», se souvient-il avec fierté. En 1993, en pleine crise de l’immobilier, la santé de son père chancelle, la régie perd des clients, les appartements sous gestion ne se louent pas. Du jour au lendemain, il doit reprendre les rênes de l’affaire familiale. Des 22 collaborateurs de 1988, il n’en restait que 17.
En 1996, il assume la raison sociale de base Galland & Cie SA, régie immobilière, et rachète la société en 2001 pour en être l’actionnaire unique, puis trois autres régies lausannoises. 2013 voit le déménagement des 35 collaborateurs au Rôtillon, dans ce fameux bâtiment coloré qui accueille aujourd’hui 60 employés. Tout cela sans que son périmètre d’activité ne dépasse le triangle Rolle-Villeneuve-Yverdon. «Croître géographiquement n’est pas mon but. Je pense qu’il est mieux de donner un bon service local que de s’étendre sans pouvoir garder la même qualité», relève Patrice Galland.

Immeuble de la régie Galland, à la rue du Flon.

Courtier dans l’âme

Aujourd’hui, son chiffre d’affaires se répartit à 65% dans la gestion immobilière, soit gérance et PPE, 15% pour la rénovation des bâtiments sous gestion et 20% pour le courtage. «À la base, je suis un courtier. C’est une mission humaine, nous serrons des mains, rencontrons des gens et les mettons en relation harmonieuse», explique-t-il. Il ne redoute pas la pénurie d’objets à vendre, qui à ses yeux valorise le rôle du courtier. Il ne craint pas non plus la concurrence du numérique. «Je veux que le visiteur vienne sur place, qu’il voie le bien et son environnement. Une visualisation 3D peut masquer beaucoup de choses». Les agences qui proposent des prestations au forfait ne l’effraient pas plus. «Elles n’ont pas de nom à défendre, moi j’ai le mien dans la raison sociale; elles ne sont pas tenues au résultat, car le forfait est dû par le client quoi qu’il arrive. Nous, nous le sommes et ne sommes payés que si nous réussissons».

Un réseau étendu

Patrice Galland est aussi président de la Fondation Crèche de Lausanne, après que sa grand-tante, son grand-père et son père ont été membres du Comité. Chargé d’organiser les festivités des 125 ans, il a obtenu tant de soutiens financiers que la manifestation a été bénéficiaire. Les portes de la présidence lui étaient ouvertes. Son fils aîné prépare la commémoration des 150 ans, qui aura lieu cette année. La suite reste à écrire, mais semble faire peu de doute.
Son vaste réseau, tissé au sein de cette Fondation, mais aussi au fil de cinq ans de présidence de l’USPI Vaud (Union suisse des professionnels de l’immobilier), puis de cinq années à la tête d’USPI Formation, le centre de formation de l’immobilier en Suisse romande, et au fil encore de son rôle de juge assesseur au Tribunal des baux, fait converger vers lui nombre d’informations. «L’engagement associatif est une belle manière d’élargir ses horizons, de connaître des gens et de faire avancer les choses», dit-il.
Lorsqu’il présidait ce qui était encore la Société vaudoise des régisseurs, créée par son grand-père, Patrice Galland a convaincu les organisations sœurs des autres cantons d’adopter une dénomination et un visuel commun. C’est ainsi qu’est née l’USPI Suisse, qui est mieux à même de représenter les intérêts de la branche qu’une multitude d’organisations ayant chacune son pré carré.
Le sens du travail et de la discrétion propre à la famille avait poussé son père à refuser la proposition filiale de mettre une grande enseigne sur le bâtiment qui abritait les locaux de l’entreprise familiale. En 2020, à l’occasion des JO de la jeunesse, il a craqué: «La piste de fond passait sous nos murs; je n’ai pas résisté, j’ai fait poser notre nom sur toutes les fenêtres». Mais lorsqu’il dit se réjouir d’être parvenu à ancrer Galland & Cie SA dans le paysage lausannois, ce n’est assurément pas à ce branding qu’il fait allusion.

 

Cesare Accardi

GROS PLAN

Une succession chahutée

 

Quand on lui demande comment s’est passée la transition entre son père et lui, Patrice Galland ne s’embarrasse pas de litotes: «Le transfert s’est très bien déroulé, mais la succession aurait pu mieux se passer. Au final, je m’en suis bien sorti». Il était destiné à prendre la suite de son père et la reprise n’était pas une surprise: «Au sortir du ventre de ma mère, tout le monde a levé son verre à la quatrième génération, s’amuse-t-il; et lorsqu’à six ou sept ans, je venais au bureau de mon père, le directeur ne manquait pas de me rappeler mon futur rôle, avec un clin d’œil».
Les problèmes de santé de son père et le retournement du marché immobilier au début des années 1990, n’ont pas permis de préparer la transition. Au moins Patrice Galland n’avait-il pas de doutes quant à son rôle lorsqu’il a dû, de manière impromptue, devenir le numéro un. Ses années à la tête du service courtage lui avaient permis de tâter le marché et sa personnalité combative a fait le reste.
Afin que l’histoire ne se répète pas une génération plus tard, il a entrepris il y a cinq ans de composer un Conseil d’administration et une direction d’entreprise dans la perspective d’un passage de témoin. «J’ai deux fils. Ils sont bienvenus chez Galland, mais ils ne sont pas obligés d’y venir», dit-il. L’aîné a fait son choix et travaille depuis décembre dans la société. «Il est intelligent et excellemment bien formé. Il a une meilleure vision à court terme que moi. Mais j’ai le privilège de l’âge, j’ai une meilleure vision dans le temps!», souligne Patrice Galland.

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