L’ÉDITO DE JÉRÔME MARCHON
Revers de manivelle…
Dans nos deux dernières éditions, la rubrique «Flop» de cette page faisait état des difficultés rencontrées par Hopium (voiture à hydrogène) en France et Lightyear (voiture solaire) aux Pays-Bas. Il faut, ce mois-ci, y ajouter une troisième marque: les Allemands de Sono Motors, eux aussi engagés dans le solaire, mais sur une citadine voulue à moins de 25 000 euros. Ces trois projets «d’avenir» finissent donc en eau de boudin, avec 300 emplois à la casse en Bavière, près de 70 selon certaines estimations en Normandie, tandis qu’en Hollande les animateurs de Lightyear espèrent redresser la barre avec un modèle moins dispendieux.
Et pourtant, ces trois projets ont ébloui, suscité un engouement à nul autre pareil. Les capitaux privés et – plus problématique – publics ont afflué, dans des proportions indécentes, pour être finalement siphonnés en quelques mois. Comment des investisseurs ont-ils pu nourrir ces fables? Qui peut décemment croire qu’une citadine recouverte de panneaux solaires puisse être vendue 25 000 euros? Quels sont les débouchés pour une voiture à hydrogène à l’intention des flottes d’entreprise françaises, vendue plus de 100 000 euros alors que le pays ne compte qu’une grosse vingtaine de stations, qui plus est mal réparties géographiquement?
N’est pas Tesla qui veut; c’est justement la success-story californienne qui donne des ailes aux inventeurs et investisseurs de tout poil de ce côté-ci de l’Atlantique, avides eux aussi de découvrir leur «Tesla», leur future poule aux œufs d’or. Sauf que le domaine automobile évolue à vitesse grand V. L’ère des pionniers – même en électromobilité – est aujourd’hui passée; les constructeurs traditionnels terminent leur restructuration, capitalisent sur leurs acquis «thermiques» pour opérer leur transition vers l’électrique, qui se matérialisera aussi par une claire montée en gamme. La place laissée libre, si tant est que les pouvoirs publics continuent à promouvoir aveuglément la seule voiture électrique d’ici à 2035, ne sera pas à disposition de nouveaux acteurs de niche européens, mais comblée par les acteurs venus principalement de Chine, qui fourbissent leurs armes depuis près de 20 ans… grâce aux connaissances acquises auprès des constructeurs européens qui s’y étaient établis il y a 20 à 30 ans, caressant eux aussi l’insigne espoir d’avoir leur part du gâteau dans ce nouvel eldorado asiatique d’alors…