La délégation de l’ONG protestante helvétique Medair a été reçue et saluée avec chaleur par le pape François.

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Organisation chrétienne d’origine protestante

Medair rencontre le pape François!

19 Jan 2022 | Culture, histoire, philosophie

Quand on connaît un peu l’histoire des religions en Suisse – rappelons que les jésuites y ont été interdits jusqu’à 1973 et qu’à Genève, l’Eglise catholique n’a pu récupérer pleinement ses lieux de culte confisqués par l’Etat que dans les années 1920 -, le fait qu’une délégation de l’ONG protestante helvétique Medair ait été reçue et saluée avec chaleur par le pape François, lui-même jésuite, à l’automne dernier, est un véritable événement. L’un des responsables de Medair, Jean-Bernard Palthey, nous confie ses impressions.

– Vous-même catholique, vous dirigez les missions de Medair et vous vous retrouvez en dialogue avec François. Plutôt inattendu et prometteur, non?
– En effet. Medair est une œuvre fondée par un couple protestant à la fin des années 80 et je m’y trouve tout à fait à ma place, car l’esprit qui y règne est authentiquement œcuménique. Medair a pour vocation d’apporter une aide d’urgence dans le domaine sanitaire, qu’il s’agisse de soins, du traitement de la malnutrition, d’accès à l’eau et à l’alimentation, de (re)construction d’abris…. Notre action, fidèle à l’enseignement chrétien, est tournée vers une douzaine de pays et axée sur les populations les plus pauvres, les plus démunies, vivant dans les zones les plus inaccessibles et les plus délaissées.

– N’y a-t-il pas un risque, dans certains pays, à se présenter comme humanitaire chrétien?
– Nous aidons toutes les populations et nous ne faisons aucun prosélytisme. Ce n’est pas du tout notre mandat. Les risques existent, notamment dans les pays où l’islam est religion d’Etat, mais d’une part notre neutralité est reconnue, tout comme notre impartialité; d’autre part, nous nous appuyons sur des équipes locales. Ainsi, en Afghanistan, nos équipes comptent quelques Européens et cent cinquante Afghans. Mais les décisions d’action, la gouvernance sont entièrement assurées par la direction en Suisse. Sur le terrain, que ce soit au Soudan, au Yémen, en Somalie ou ailleurs, les gens savent qu’ils ont besoin de l’aide internationale et nous ne rencontrons qu’un accueil fraternel. La qualité de notre apport est notre meilleure garantie de sécurité et de reconnaissance.

Jean-Bernard Palthey.
L’ action de Medair est tournée vers une douzaine de pays et axée sur les populations les plus pauvres.

– D’où est venue l’idée de rencontrer le pape?
– Voilà deux ou trois ans que les paroles résolues du Saint-Père – qu’il s’agisse de l’encyclique Laudato Si ou de Fratelli Tutti, ou encore de ses homélies et discours – ont rencontré chez Medair comme ailleurs un écho frappant. A vrai dire, elles ont peut-être eu davantage d’impact sur les non-catholiques qu’à l’intérieur de l’Eglise! L’Argentin jésuite, en appelant les chrétiens à œuvrer dans les «périphéries de l’Europe», a naturellement touché une ONG qui se fait devoir d’agir dans les périphéries du monde! Medair a voulu montrer que ses idéaux étaient chrétiens, et non seulement protestants. Bien entendu, il n’a pas été question de nous placer sous la houlette du Vatican, mais de rencontrer un chef d’Etat et un disciple du Christ.

– Quel a été le fond de votre échange?
– Nous avons présenté au pape notre action, en lui remettant un petit livre de témoignages d’équipiers et de bénéficiaires de Medair, et nous lui avons simplement demandé de prier pour nous. Il nous a accordé estime et attention, nous a encouragés et nous a demandé de prier également pour lui.

– Question inévitable pour une ONG: qui finance votre organisation?
– Pour les trois quarts des fonds, il s’agit d’institutionnels, comme des Etats, l’Union européenne, les agences de coopération de l’ONU. Le dernier quart vient de Fondations et de donateurs privés. Nous espérons accroître ce pourcentage, car nous aimerions dépendre majoritairement de généreux donateurs plutôt que de subsides gouvernementaux ou d’organisations internationales. Une chose est sûre: avec 93% des fonds reçus utilisés directement sur le terrain, nous sommes parmi les bons élèves du monde de l’humanitaire.

 

Propos recueillis par Thierry Oppikofer

www.medair.org