L’approche hédoniste part du principe que la satisfaction que procure l’utilisation d’une chose résulte de la satisfaction apportée par chacune de ses caractéristiques.

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Les experts: L'immobilier

Qu’est-ce qu’une estimation hédoniste?

31 Jan 2024 | Les experts : l'Immobilier

Il y a quelques années de cela est apparue en Suisse la notion d’estimation hédoniste. Les termes bizarres ne manquent pas dans l’immobilier, alors, un de plus ou de moins, me direz-vous… Mais alors, pourquoi pas une estimation épicurienne?

Voyons déjà si l’hédonisme à sa place dans le jargon de l’estimateur. Prenons la définition du Petit Robert: «hédonisme (nom masculin). PHILOSOPHIE. Doctrine qui prend pour principe de la morale la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance». Jusque-là, il est difficile de faire le lien avec le domaine de l’estimation immobilière.
Une autre définition, spécialisée, fournie par Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, place le mot dans un contexte plus économique: «Conception de l’économie selon laquelle la raison et la fin de toute activité économique n’est au fond que la poursuite du maximum de satisfaction».
L’approche hédoniste part du principe que la satisfaction que procure l’utilisation d’une chose résulte de la satisfaction apportée par chacune de ses caractéristiques. D’où le mot «hédonisme». Autrement dit, la satisfaction apportée par un bien en détermine le prix de vente. Bon, de ce point de vue, le mot a bien sa place dans le jargon de l’estimateur.
Cette méthode permet de déterminer la valeur d’objets composés de différentes parties, tels que des maisons et des appartements.
Bien que chaque objet immobilier soit fondamentalement unique, il est tout de même possible de décomposer l’ensemble en parties déterminantes, qui peuvent alors être évaluées séparément les unes des autres.
Les critères utilisés peuvent être tout à fait objectifs, tels que les mètres carrés de surface habitable (à la condition qu’ils soient correctement mesurés) ou les mètres cubes des volumes construits, ou plus subjectifs tels que «la beauté de la vue».
Ainsi, l’état du bien pourra être noté selon une échelle allant de «travaux urgemment nécessaires» à «neuf», en passant par «bon état», et les standards d’équipement seront chacun évalués sur une échelle allant de «désuet» à «luxueux», en passant par «bon». Les transactions réalisées pour des objets similaires dans la même zone géographique sont emmagasinées dans des bases de données qui alimentent les modèles en chiffres.
L’idée est d’anticiper la valeur d’une variable grâce à la valeur d’autres variables. Les statisticiens appellent cela la «régression vers la moyenne».
Les biens immobiliers sont composés de très nombreuses parties, qualités et facteurs internes et externes qui influencent la perception de leur valeur par le marché. Il est alors nécessaire de mettre toutes ces variables en relation les unes avec les autres pour en apprécier l’influence sur la valeur. Les mathématiciens parlent de «régression linéaire multiple».
Il s’agit donc essentiellement de collecte d’informations et de calcul statistique. J’en profite pour dire que le terme d’estimation économétrique ou estimation statistique aurait été plus judicieux selon moi.
Mais que le choix du nom de la méthode soit judicieux ou pas, le plus important est de déterminer si la méthode elle-même fonctionne.

Force et faiblesse de la méthode hédoniste

De mon point de vue, la force principale de la méthode hédoniste est qu’elle se base sur un grand nombre de transactions qui permet le lissage des données. Les banques, premières utilisatrices des logiciels d’estimation hédoniste, étant des intervenants incontournables des transactions immobilières, les bases de données peuvent être alimentées en informations anonymisées et partageables. Les faiblesses de la méthode hédoniste sont pourtant tout aussi importantes que ses avantages.
La première, selon moi, est son manque de transparence, pour ne pas dire son opacité, liée à l’utilisation de mathématiques statistiques avancées. En effet, les fournisseurs ne donnent pas accès à leurs algorithmes. L’opérateur entre des chiffres, valeurs et appréciations sur l’état d’un bien, puis le logiciel sort une valeur, qui peut être acceptée ou rejetée, mais pour laquelle il est impossible d’obtenir un détail explicatif.
Mais la faiblesse la plus importante de toutes est que ce système ne peut fonctionner que pour des biens standards, pour lesquels un grand nombre de transactions est disponible dans la base de données. Pour les appartements classiques en PPE en ville, le système est fiable. En revanche, dès que le bien estimé comporte des éléments atypiques, la fiabilité diminue, et concernant les biens clairement atypiques, la méthode ne fonctionne tout simplement plus du tout.
En conclusion, je dirais que l’estimation hédoniste ou économétrique vaut la peine d’être utilisée pour des biens standards et typiques en centre-ville, mais que dans tous les cas, elle doit être mise en relation avec d’autres méthodes plus techniques, telles que le calcul de la valeur intrinsèque, réalisé par un estimateur compétent en contact direct avec son marché immobilier local.

PAR VINCENT GROGNARD
COURTIER AVEC BREVET FÉDÉRAL
CONCRETISE
COSSONAY/VD

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