les experts: l’Immobilier
Les conseilleurs ne sont pas les payeurs
L’immobilier est un domaine où énormément de personnes aiment à donner leur avis. «Tu devrais passer par une agence low-cost». «Tu devrais faire faire une quatorzième estimation». «Moi j’ai vendu mon appartement à Genève à 2 millions, alors ton appartement de vacances à Sainte-Croix vaut au moins un million», etc.
La plupart du temps, il s’agit de conseils tout à fait gratuits, dispensés sans la moindre mauvaise intention. Le problème est que ces conseils, généreusement prodigués, parfois par des personnes qui semblent disposer de l’expertise nécessaire, introduisent des parasites dans un raisonnement déjà complexe.
Voici quelques exemples vécus. M. Bolomet (nom d’emprunt) me demande d’estimer sa petite maison dans le Nord vaudois. La maison construite dans les années 70 est 100% dans son jus. Il ne manque que Claude François avec ses Claudettes pour compléter le tableau. Tout est d’origine. Pour ne rien gâcher, l’architecte, sans doute photosensible, a orienté les pièces à vivre du côté nord-est. Le cousin de M. Bolomet, qui travaille dans la haute finance à Genève, lui a assuré que sa maison valait au moins CHF 1 200 000.-. Petit détail, le cousin n’a jamais vu cette maison. Quand j’ai estimé la maison de M. Bolomet à 800 000.- francs, estimation déjà optimiste, il ne voulait ou ne pouvait pas me croire: une fausse autorité a introduit un biais cognitif de taille dans l’équation. La fille de M. Bolomet a finalement vendu cette maison à CHF 700 000.- pour payer l’EMS de son papa.
Autre exemple. Mme Bolomey cette fois, est propriétaire d’une grande maison à Gland. Construction en béton des années 80. Solide, mais avec une isolation homéopathique et une chaudière à mazout insatiable. Son notaire, dans un élan de générosité, lui a dit que sa maison valait CHF 2 400 000.- Neuve, oui, cette maison peut valoir ses CHF 2 400 000.-, mais avec ses 40 bougies, non. Un bon courtier bien caféiné pourrait en tirer 1,9 million, voire CHF 1 950 000.- en alignant Mars, Vénus, Jupiter et les autres planètes.
Mme Bolomey, assise sur l’expertise de son notaire, a usé quatre courtiers jusqu’à la corde sans jamais obtenir une offre à 2 400 000.- et cinq ans plus tard, sa maison accuse une vétusté encore plus marquée.
Cela partait certainement d’une bonne intention, mais ce notaire a introduit un biais d’autorité qui a empêché Mme Bolomey de se rendre à l’évidence. Résultat des courses? Beaucoup de temps, d’efforts et d’espoirs investis en vain. Mme Bolomey n’a plus que ses deux yeux pour pleurer et une maison qui, maintenant, vaut encore CHF 1 800 000.-.
Que faire avec ces «bons» conseils?
Proposez à votre conseilleur de prendre une entière responsabilité pour son conseil. Par exemple, votre beau-frère, lors d’un repas de famille, vous affirme que votre villa vaut deux millions. Vous l’avez fait estimer par trois professionnels et chacun arrive à la conclusion qu’elle vaut entre CHF 1 650 000.- et CHF 1 725 000.-. Dites alors à votre beau-frère: la meilleure estimation d’un professionnel est à CHF 1 725 000.-. Alors, si je mets en vente à 2 millions et que j’obtiens des offres à 1,7, est-ce que tu t’engages à mettre la différence? Là, vous serez vite fixé sur le niveau de responsabilité que le conseilleur est prêt à prendre pour ses conseils gratuits.
Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. A défaut de pouvoir obtenir leur engagement en responsabilité civile, obtenez au moins que le conseiller engage sa responsabilité morale lorsqu’il ou elle vous donne des conseils…
par Vincent Grognard
Courtier avec Brevet Fédéral
Immo 4G
Cossonay/VD
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