Chronique d’une agonie annoncée…

/

Les experts: l'immobilier

Les agences à zéro commission agonisent

5 Juil 2023 | Les experts : l'Immobilier

En 2012, l’agence immobilière en ligne Purplebricks a lancé outre-Manche un concept d’apparence révolutionnaire: la vente immobilière à zéro commission. A l’époque, cette société avait menacé de déstabiliser le domaine du courtage immobilier avec son système low cost.

Echappant de justesse à la faillite en 2023, cette entreprise vient d’être rachetée pour une livre sterling symbolique et ses 750 employés sont menacés de licenciement.
Conservatisme helvètique oblige, cette «innovation» est arrivée en Suisse avec un peu de retard. C’est vers 2018 que de premières offres de courtage «sans commission» sont apparues chez nous.
Le modèle suisse est une copie de Purplebricks. A grand renfort de publicité et dans certains cas avec une arrogance notoire, ces agences ont tenté de se faire une place sur un marché déjà hyperconcurrentiel.
Leur stratégie marketing n’est basée que sur un seul argument: économiser sur les frais de courtage. En dépeignant les courtiers rémunérés au résultat comme «des profiteurs qui empochent des commissions indues», les agences au forfait pensaient frapper fort. Leurs communications publicitaires sont d’ailleurs plus proches de la propagande que de l’information.
Ces agences pensaient disposer d’un terrain fertile sur lequel leur système allait pouvoir croître facilement. Cependant, elles ont très largement sous-estimé les compétences nécessaires pour faire du vrai courtage immobilier.
En numérisant leur process à outrance, en réduisant les interventions humaines au minimum, en laissant le propriétaire vendeur se dépatouiller seul avec les aspects les plus importants d’une vente – comme la négociation –, les défauts des agences au forfait se révèlent maintenant aux yeux de tous.
De tous les défauts de ce système, celui du manque de motivation est le plus flagrant. Leur rémunération étant fixe, quel que soit le montant final de la vente, ces entreprises n’ont plus aucun incitant à défendre les intérêts des vendeurs. Ceux-ci sont purement et simplement négligés.
Mais les réalités économiques les ont rapidement rattrapées. De ces agences à «zéro  %», la plus médiatisée d’entre elles a déjà dû augmenter ses tarifs de 60%. Soit il s’agit d’inflation galopante, soit il s’agit d’un manque de rentabilité. D’après les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, l’inflation n’explique qu’une toute petite partie de cette augmentation de tarif. Reste donc le manque de rentabilité pour expliquer ces changements.
L’immobilier, comme les autres domaines de notre économie, doit se remettre en question à intervalles réguliers. Des améliorations sont souhaitables. Une saine concurrence loyale est une bonne chose. Mais lorsqu’une entreprise touche le fondement d’un système naturel – la rémunération proportionnelle au résultat –, l’innovation souffre alors d’un défaut létal.
Ces néo-agences ne peuvent pas être pérennes. L’agonie de leur mère spirituelle en est la preuve.

par Vincent Grognard
Courtier avec Brevet Fédéral
Immo 4G
Cossonay/VD

Davantage d’informations sur ce sujet :
https://ressources.immo4g.ch/piege-estimation