Chaque bien est un monde à part.

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Les experts: l'immobilier

Le vrai prix d’un bien: au-delà des chiffres

11 Juin 2025 | Les experts : l'Immobilier

J’entends souvent de la part des propriétaire : «Combien vaut mon bien?» Et je sens qu’on attend de moi une réponse nette, presque mathématique. Comme s’il existait une équation de type: mètres carrés + année de construction = prix de vente.

Evidemment, ce serait plus simple. Mais l’estimation d’un bien ne tient pas dans une calculette. Chaque objet a ses particularités. Ce n’est pas une science exacte – c’est un métier d’interprétation.
Et dans ce métier, deux objets qui se ressemblent sur le papier peuvent cacher des réalités très différentes sur le terrain.

Deux villas, un monde d’écart

Prenez deux villas. Même commune, même surface. Et pourtan :
• L’une est orientée plein sud, vue sur les Alpes.
• L’autre est coincée entre deux maisons, sans lumière l’après-midi.
Même type de bien, plusieurs centaines de milliers de francs d’écart.
J’ai vu deux villas de 5,5 pièces à Rolle, à 300 mètres l’une de l’autre. Jardin plat et exposition idéale pour l’une; orientation nord-est et travaux à prévoir pour l’autre. Résultat: 250  000 francs d’écart à l’estimation.
C’est exactement le genre de différence que la méthode hédoniste – utilisée pour générer de nombreuses estimations automatiques – ne parvient pas à capter entièrement. Ces outils se basent sur les ventes passées, sur les statistiques, sur des moyennes. C’est utile, bien sûr. Mais cela ne fait pas tout. Et surtout, cela ne voit pas ce qu’un œil entraîné détecte immédiatement.
Un portail à remplacer, un vis-à-vis désagréable, une route passante à 50 mètres… autant de détails qui changent tout. Et qui n’apparaissent jamais dans un tableau Excel.

Jumelle, mitoyenne, contiguë?

Un vendeur m’a dit un jour: «Le voisin a vendu 1,5 million, mon bien vaut autant». Mais… même type de construction? Orientation? Jardin? Vis-à-vis?
Même entre maisons jumelles, chaque détail compte.
Un vis-à-vis direct, un accès en pente ou l’absence de place de parc peuvent suffire à changer la donne.

Maisons de village ou biens
d’amateur

Les biens «atypiques» sont parfois de beaux pièges. Ils séduisent vite… mais pas toujours facilement. Une ancienne écurie transformée en loft à Cully, par exemple: superbe à visiter, mais peu fonctionnelle. Résultat: coup de cœur pour certains, repoussoir pour d’autres. Le défi? Ne pas surévaluer la rareté. Trouver un prix juste, pour les bons acheteurs.

Et quand il n’y a pas de maison?

Un terrain? C’est encore autre chose. Il faut comprendre:
• la zone (villa, PPE, agricole…)
• la densité possible
• les contraintes de pente, d’accès, de raccordements
• les règles communales et cantonales
Un terrain constructible plat dans l’Ouest lausannois – bien desservi, fort attrait – ne se valorise pas comme une parcelle en pente dans le Gros-de-Vaud.
Quant à la zone agricole, sauf cas très particuliers, elle n’a pas de valeur marchande. Quelques exceptions: ancienne ferme classée, droit à bâtir résiduel…
Dans certains cas, ce qui ressemble à une belle opportunité peut vite se révéler inexploitable.

Même quartier, deux lectures

À Morges :
• Une maison villageoise des années 30, à rénover, avec grand terrain: elle attire les investisseurs.
• Une maison rénovée, moderne, sans possibilité d’agrandissement: elle parle à une famille.
Même surface, mais deux profils d’acheteurs très différents.
Et donc, deux logiques d’évaluation.

Estimer, ce n’est pas mesurer

Une lecture globale est nécessaire:
• type, état, orientation du bien
• environnement, transports, nuisances
• possibilités d’évolution
• comportement du marché local
C’est cette combinaison d’éléments – visibles et moins visibles – qui permet de construire une estimation cohérente.

En résumé

Il n’y a pas de formule magique.
Les estimateurs automatiques? Utile pour une première fourchette. Mais pas un verdict.
Estimer, c’est comprendre ce qu’on évalue – et pour qui.
Un bon courtier ne se contente pas de cocher des cases: il observe, il pose des questions, il interprète.
Parce que chaque bien est un monde à part.

par Vincent Grognard
Courtier avec Brevet Fédéral
concretise
Cossonay/VD
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