Airbnb n’est pas une location comme les autres.

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Cette semaine par Anne Hiltpold, Avocate

Peut-on interdire Airbnb dans une PPE?

4 Mai 2022 | Les chroniques de CGI conseils

Je suis propriétaire d’un appartement dans un immeuble en PPE. J’ai récemment constaté beaucoup de va-et-vient dans l’immeuble et j’ai croisé beaucoup de personnes qui semblaient être des touristes de passage. Visiblement, mon voisin loue son appartement via la plate-forme Internet Airbnb. Est-il en droit de le faire? Doit-il demander l’accord des autres copropriétaires? Peut-on interdire de telles locations? Michel. P., Genève

Dans toutes les grandes villes d’Europe, y compris à Genève, le succès d’Airbnb a conduit les bailleurs ou les locataires à mettre leur appartement à disposition de tiers, en particulier des touristes, qui viennent pour des courtes durées. Ceci pose un certain nombre de problèmes et a amené le canton à prévoir une limite maximale de trois mois par année, l’idée étant d’empêcher que des appartements destinés au logement ne se transforment en résidences commerciales et échappent au marché locatif.
Alors que le locataire doit demander l’accord de son bailleur pour pouvoir sous-louer son appartement, même pour de courtes durées, la question se pose de savoir si les copropriétaires d’un immeuble doivent demander l’accord des autres copropriétaires pour mettre à disposition leur appartement sur ce type de plate-forme.
A cet égard, il convient de rappeler, et c’est l’essence même de la PPE, que le copropriétaire d’un appartement en PPE est libre d’utiliser son lot comme il l’entend, soit de le louer, de le prêter ou encore de le vendre, sans avoir à demander l’accord des autres copropriétaires.
Il n’empêche que les copropriétaires, pour éviter des abus ou des dérangements, peuvent prévoir certaines règles dans leur Règlement d’administration et d’utilisation (RAU). La question se pose en l’occurrence de savoir si les copropriétaires peuvent empêcher un autre copropriétaire de louer son appartement pour de courtes durées.
Le Tribunal fédéral a tranché la question dans une affaire qui s’est déroulée dans le canton de Nidwald. Il s’agissait d’un immeuble d’habitation de haut standing, comprenant 26 appartements en résidence principale et des installations communes telles qu’une piscine, un sauna, une salle de fitness et une terrasse située sur le toit, bénéficiant d’une vue sur le lac des Quatre-Cantons. L’acte constitutif prévoyait que les unités d’étages étaient destinées à l’habitation, voire à une activité commerciale ne devant pas occasionner de nuisances importantes pour les autres habitants. Le RAU a ensuite été complété par une nouvelle clause stipulant que «la location d’appartements de manière irrégulière, à la journée, à la semaine ou au mois n’est en outre pas autorisée. Seule est autorisée la location à long terme», adoptée en Assemblé générale.
Un des copropriétaires, qui proposait régulièrement son appartement à la location sur le site Airbnb, a contesté cette clause jusqu’au Tribunal fédéral, en soutenant qu’il subissait une restriction grave à son droit d’usage exclusif. Le Tribunal fédéral a d’abord rappelé que le droit d’usage exclusif du copropriétaire sur sa part d’étage n’était pas illimité. L’exercice de ce droit est d’abord restreint par le respect des règles légales de la PPE (respect de la destination de l’immeuble, respect de l’usage des parties communes), mais il peut aussi l’être par des règles du RAU. Ces dernières doivent elles aussi respecter certaines conditions ou limites.
Notre Haute Cour a ensuite considéré que la question de savoir si une utilisation d’un logement via un contrat de ce type était compatible avec les règles d’utilisation de l’immeuble soumis au régime de la PPE devait se juger selon les circonstances particulières du cas d’espèce et non selon des considérations politico-sociales.
Dans ce cas, l’appartement se trouvait dans un immeuble résidentiel de luxe, avec une infrastructure correspondante (piscine, sauna), destinée aux habitants et non à des tiers. Les appartements servaient de résidence principale aux copropriétaires, qui se trouvaient dans une relation étroite, avec un besoin de tranquillité plus important que des touristes qui ont moins besoin de repos en soirée et prêtent moins d’attention au respect de voisins qu’ils ne connaissent pas.
Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a jugé que cette restriction était admissible. Elle n’interdisait pas toute location, mais certains types de location, ce qui était tout aussi admissible que de limiter certaines activités commerciales. Ainsi, la clause a été jugée valable.
Il convient de noter que l’admissibilité d’une telle restriction doit être analysée dans chaque situation particulière et que la décision devra être prise dans le respect des majorités prévues dans le RAU, en principe à la double majorité.
Ainsi, dans votre situation, il s’agirait de voir si votre immeuble est d’un certain standing ou non, de combien de lots il est composé, et quels inconvénients la mise à disposition des appartements de l’immeuble peut créer. On peut supposer que si l’immeuble est de petite taille et si les copropriétaires sont dans une relation étroite, la mise à disposition via Airbnb pourrait causer des inconvénients aux autres copropriétaires. A l’inverse, si l’immeuble est composé de nombreux lots, que de nombreux appartements sont déjà loués, que les habitants ne sont pas dans une relation de proximité, l’interdiction de louer via Airbnb ne serait pas justifiée.

 

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BRÈVES

Résiliation pour travaux de rénovation

 

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a validé la résiliation d’un bail donnée pour travaux de rénovation en vue d’une surélévation de l’immeuble. Suite à une demande de renseignement préalable, le projet semblait autorisable, mais l’autorisation a ensuite été refusée au motif que des servitudes de droit privé empêchaient sa réalisation. Selon la jurisprudence, un congé donné pour effectuer des travaux de rénovation peut être contraire à la bonne foi, notamment s’il est donné sur la base d’un projet qui paraît objectivement impossible. En l’occurrence, il a toutefois été jugé qu’au moment où le congé a été donné, il n’était pas objectivement impossible. Par ailleurs, une fois la question des servitudes réglée, le projet pourrait être autorisable.

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