Cette semaine par Anne Hiltpold, Avocate
Devoir d’entretien des parties exclusives dans une PPE
Je suis propriétaire d’un appartement dans une propriété par étages. Notre copropriété va procéder à la réfection des façades. Les volets sont d’origine et dans un piteux état. Nous envisageons donc de les changer, mais ce sont des parties privatives à teneur de notre règlement d’administration et d’usage. Lors de la dernière assemblée générale des copropriétaires, un appel insistant auprès de tous les copropriétaires a été lancé. Des achats et poses groupés ont été organisés, mais certains copropriétaires refusent de changer leurs volets. Pouvons-nous les y contraindre? (Daniel B., Genève)
Comme dans toute propriété par étages, le copropriétaire d’étage est propriétaire d’une unité d’étage (son lot) qui comprend l’ensemble de ses parties exclusives (ou privées), alors que certains éléments du bâtiment sont des parties communes, pour lesquelles les copropriétaires d’étages sont copropriétaires à raison de leur quote-part. La loi désigne un certain nombre d’éléments qui doivent impérativement constituer des parties communes (le terrain, les parties importantes pour l’existence et la solidité du bâtiment ou celles qui déterminent l’aspect extérieur du bâtiment notamment), qui sont soustraites à l’emprise exclusive d’un copropriétaire, et prévoit que celles qui ne sont pas impérativement communes sont présumées être des parties exclusives. Sur ses parties exclusives, le copropriétaire d’étage a un droit exclusif d’administration, d’aménagement et d’utilisation, alors que tel n’est pas le cas sur les parties communes.
Il existe certaines parties exclusives qui ont un régime particulier. Ce sont les parties exclusives qui sont visibles depuis l’extérieur, sur lesquelles le copropriétaire dispose de son droit exclusif, mais limité par le fait qu’il ne peut les transformer ou les utiliser comme bon lui semble, puisqu’il est tenu de préserver la forme extérieure et l’aspect irréprochable du bâtiment.
Dans votre cas, et à première vue, dès l’instant où les volets sont considérés comme parties privées, comme vous l’indiquez, vous ne pouvez pas forcer les copropriétaires à les changer.
Cela étant, l’article 712a al. 3 CC stipule que le copropriétaire «est tenu d’entretenir ses locaux de manière à maintenir l’état et l’aspect irréprochables du bâtiment».
Cette disposition impose à tout copropriétaire la réparation de défauts qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les parties communes (par ex. installation électrique défectueuse qui provoque des courts-circuits dans le bâtiment) ainsi qu’un devoir d’entretien, afin que l’aspect visuel du bâtiment ne soit pas terni. Dans ce contexte, il convient néanmoins d’adopter des exigences raisonnables et ce devoir d’entretien ne doit être mis en œuvre que si une personne «moyennement sensible» est dérangée par l’état de la partie exclusive en question.
Dans votre cas, il est difficile de dire si le devoir d’entretien des copropriétaires qui ne veulent pas changer leurs volets est violé. Vous indiquez qu’ils sont «en piteux état», ce qui pourrait impliquer un manque d’entretien, mais il conviendrait de s’assurer qu’une personne «moyennement sensible» serait aussi dérangée par l’état de ces volets.
A admettre que le devoir d’entretien soit violé, la communauté des copropriétaires ou chaque propriétaire concerné pourrait ouvrir une action judiciaire pour violation de l’article 712a al. CC contre le copropriétaire qui ne voudrait pas changer ses volets, afin qu’il soit condamné à le faire ou que la communauté soit autorisée à procéder au changement des volets en lieu et place du propriétaire inactif, mais aux frais de ce dernier. Cette solution semble extrême et il apparaît préférable de trouver une solution amiable avec l’ensemble des propriétaires récalcitrants.
BRÈVE
Résiliation de bail pour défaut de paiement du loyer et Covid
Dans une affaire genevoise, le Tribunal des baux et loyers a considéré que les mesures prises afin de lutter contre la Covid-19, notamment la fermeture des magasins et des restaurants, n’entraînaient pas de défaut des locaux loués, ni d’impossibilité subséquente, permettant au locataire d’être libéré du paiement du loyer. Le raisonnement du Tribunal a d’ailleurs été suivi à peine un mois plus tard par le Tribunal des baux du canton de Zurich. S’agissant de la clausula rebus sic stantibus (théorie de l’imprévision), elle n’a également pas été retenue en raison des circonstances et du défaut de collaboration des locataires, qui ont refusé de fournir tous les documents en lien avec les aides offertes (crédit-relais et RHT). Alors que de nombreux avis de droit divergents avaient été rendus en la matière, la question est désormais tranchée. La décision genevoise n’a pas fait l’objet d’un appel, ni d’un recours au Tribunal fédéral.