Les travaux à plus-value doivent soigneusement être distingués des travaux d’entretien, qui ne servent qu’à maintenir l’immeuble en l’état.

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE DE ME PATRICK BLASER

Travaux de rénovation et rendement locatif

22 Sep 2021 | Finance immobilière

A l’occasion d’un arrêt de principe rendu récemment par le Tribunal fédéral (ATF 4A_6/2021), ce dernier a rappelé que le bailleur qui avait effectué d’importants travaux de rénovation dans un immeuble pouvait en répercuter le coût sur les loyers. Toutefois, dans ce cadre, seuls les travaux à plus-value qui aboutissent à des améliorations de l’immeuble peuvent justifier une hausse des loyers.

Les travaux à plus-value doivent en effet soigneusement être distingués des travaux d’entretien, qui ne servent qu’à maintenir l’immeuble en l’état.
La distinction à faire est importante, puisque les travaux d’entretien ne justifient pas une augmentation de loyer, les loyers en vigueur étant censés couvrir les frais d’entretien courants d’un immeuble.

Les travaux à plus-value

Sont considérés comme des travaux à plus-value ceux qui améliorent l’état d’un immeuble par rapport à ce qu’il devrait être au regard du contrat de bail.
Il peut s’agir de travaux liés à la réfection des façades et/ou de la toiture lorsque ces travaux portent également sur l’isolation thermique et/ou phonique de l’immeuble.
Ces travaux peuvent également être liés à la réfection des cages d’escalier, avec l’installation d’un ascenseur, à l’amélioration de l’isolation thermique et/ou phonique des appartements, à l’installation ou au remplacement d’appareils électroménagers et/ou sanitaires dans les appartements, ainsi qu’à la création d’une buanderie ou d’un parking dans l’immeuble.
Par ailleurs la loi (art. 14 OBLF) spécifie expressément que les travaux qui apportent des améliorations énergétiques à l’immeuble peuvent également être considérés comme des travaux à plus-value.

Présomption légale: 50% à 70% de travaux à plus-value

Pour pallier la difficulté de distinguer, lors de la rénovation globale d’un immeuble, les travaux à plus-value des travaux d’entretien, la loi prévoit que le coût total des travaux de rénovation peut être considéré à concurrence de 50% à 70% comme relevant de travaux à plus-value. Et, a contrario, à raison de 30% à 50% comme relevant de travaux d’entretien.
Il en résulte que, de par la loi, le bailleur est en droit de répercuter sur les loyers entre 50% et 70% du coût total des travaux de rénovation.
Le pourcentage à retenir dépendra notamment de la nature des travaux effectués (prépondérance des travaux de rénovation par rapport aux travaux d’entretien), de l’ancienneté de l’immeuble et des travaux d’entretien qui y ont été plus au moins régulièrement effectués, du niveau de l’état locatif de l’immeuble et de son rendement.
Comme on peut s’en rendre compte, ces règles ne sont pas très scientifiques et laissent au bailleur une large marge d’appréciation.
Corolaire de cette règle particulièrement souple? En cas contestation par un locataire de l’augmentation de son loyer, le Tribunal cantonal appelé à fixer cette augmentation bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation, que le Tribunal fédéral, en cas de recours, ne reverra qu’avec une grande retenue, c’est-à-dire seulement si un arbitraire manifeste apparaît.

Comment ventiler l’augmentation des loyers entre les locataires?

Lorsque le bailleur a déterminé le pourcentage du coût des travaux qu’il entend répercuter sur les loyers à titre de plus-value, il doit ventiler cette part sur les différents appartements de l’immeuble qui profitent de ces plus-values.
Pour ce faire, la jurisprudence du Tribunal fédéral a admis que plusieurs méthodes pouvaient entrer en ligne de compte, tout en rappelant que le caractère admissible ou non d’une augmentation de loyer devait se déterminer spécifiquement par appartement et non globalement pour l’immeuble entier.
Les différentes méthodes de répartition des coûts admises jusqu’à présent par le Tribunal fédéral sont les suivantes:
• selon le nombre de pièces par appartement;
• selon la surface de chaque appartement;
• selon la clef de répartition applicable à une propriété par étages;
• selon le pourcentage que représente l’investissement à plus-value par rapport à l’état locatif avant la hausse.

Arrêt de principe du Tribunal fédéral

A propos de ce qui précède, le Tribunal fédéral a rendu récemment un arrêt de principe (ATF 4A_6/2021, du 22 juin 2021).
Dans ce cas d’espèce, le Tribunal fédéral a eu à juger une augmentation de loyer notifiée par un bailleur qui avait entrepris d’importants travaux sur son immeuble (rénovation des façades avec isolation périphérique, changement des fenêtres, rénovation de la cage d’escalier et du parking).
Le bailleur avait répercuté le 70% du coût total des travaux sur les loyers de l’ensemble des locataires.
Et cela au grand dam d’un locataire, qui avait contesté l’augmentation du loyer à lui notifiée en arguant que seule la moitié du coût total des travaux devait être prise en considération.
Le Tribunal fédéral lui a donné raison, au motif principal qu’une grande partie des travaux de rénovation devaient être qualifiés de travaux d’entretien et non de travaux à plus-value. Ce d’autant que le bailleur n’avait pas prouvé que l’immeuble avait fait l’objet d’un entretien régulier.
Au vu de ce qui précède, il ne peut qu’être recommandé au bailleur de bien distinguer, préalablement à toute hausse de loyer, la part des travaux de rénovation qui peuvent réellement s’apparenter à des travaux à plus-value pouvant justifier la hausse de loyer envisagée.

 

Patrick Blaser
Avocat associé
Etude Borel & Barbey, Genève
(patrick.blaser@borel-barbey.ch)