La durabilité n’est pas une tendance passagère, mais bien une évolution incontournable.

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finance - Investissements

La durabilité est là pour durer

6 Déc 2023 | Finance immobilière

L’économie doit se transformer – et la finance durable est l’un des principaux leviers de cette transformation. La durabilité n’est pas une tendance passagère, mais bien une évolution incontournable. Rares sont ceux qui remettent en question les conséquences de nos comportements et qui contestent la nécessité d’agir sans tarder pour éviter le pire.

Aussi l’économie doit-elle être totalement transformée. Même si cette transformation risque d’être douloureuse dans les premiers temps, cela demandera du courage politique et de nombreuses de transformations structurelles: la fiscalité doit évoluer, des privilèges devront disparaître et des investissements massifs être réalisés. Nous sommes dans une phase de transition. Mais si nous actionnons les bons leviers sans tarder, tout le monde profitera de cette transition. Cela ne signifie pas, pour autant, que toutes les stratégies ESG (environnement/social/gouvernance) génèrent de bons rendements.
Les phases de transition ont des répercussions profondes sur les modèles d’affaires et sur les investissements. Trois problématiques sont essentielles pour l’internalisation des facteurs externes. En premier lieu, la réglementation, qui doit imposer des règles strictes, mais compréhensibles. Deuxièmement, cette réglementation encouragera l’innovation et favorisera l’émergence de nouvelles technologies viables. Et troisièmement, ce progrès technologique conjugué à des orientations politiques judicieuses contribuera à aiguiller les consommateurs, qui aspirent à un monde plus durable.

L’exemple de l’automobile

L’industrie automobile est un bon exemple de ces processus de transformation. L’instauration de limites d’émission a contraint les constructeurs à fabriquer des véhicules de plus en plus propres, jusqu’à l’arrivée de la voiture électrique. Des progrès technologiques ont ainsi pu être réalisés, et cette évolution a rendu les véhicules électriques encore plus attrayants aux yeux des consommateurs.
De tels processus sont à l’œuvre dans bien des secteurs. Certains secteurs voient disparaître des entreprises qui étaient jadis prospères, quand d’autres gagnent en rentabilité. Les investisseurs doivent avoir cela à l’esprit. La mise en œuvre judicieuse de la finance durable joue un rôle important à cet égard.
La finance durable a deux types d’objectifs:
• l’analyse de la durabilité, un levier pour optimiser le couple risque/rendement;
• la durabilité envisagée comme un but en soi, par exemple pour générer un impact positif, tel que la décarbonation. Certains investisseurs ne se focalisent que sur l’un de ces deux aspects, d’autres y accordent la même importance.
Mais tout l’enjeu est de parvenir à un juste équilibre. Si l’investisseur cherche à obtenir un impact trop important, l’univers des actifs investissables risque de se réduire comme peau de chagrin. Ce jeu d’équilibre est aussi risqué, puisque les notations ESG reflètent uniquement la situation à un moment donné. L’analyse fondamentale permet d’évaluer spécifiquement l’impact des facteurs externes sur les entreprises et donc d’établir la vulnérabilité de leurs modèles de revenu. Cette analyse repose sur les données disponibles et sur l’expérience des analystes, à qui il revient de tirer les conclusions qui s’imposent.

Les gestionnaires de fonds
soutiennent la transformation

Les investisseurs sont tiraillés entre engagement et crédibilité. Les fonds axés sur l’engagement auprès des entreprises doivent générer des rendements financiers usuels pour le marché, tout en faisant mieux que la concurrence en ce qui concerne leur engagement. La patience est de mise. Lorsque la phase de transformation bat son plein, les entreprises peuvent être confrontées à une chute de leur rentabilité (qu’elles espèrent passagère) et à des dépenses d’investissement croissantes. Elles peuvent parfois être sous-évaluées à ce moment-là. Elles ont besoin du soutien d’investisseurs engagés à leurs côtés sur le long terme pour les accompagner pendant la phase de transition.
Il n’est pas toujours facile de juger de la crédibilité des entreprises: des investisseurs soutiennent parfois des entreprises en difficulté en pensant investir dans la transformation, sans que ce soutien se traduise par des progrès concrets. Le risque de «transition washing» est réel si les investissements durables n’intègrent pas la transformation. Ce risque peut toutefois être écarté en définissant les ambitions au préalable.

Jugement difficile

Mais comment rendre compte des progrès réalisés? Il est difficile de faire la part des choses entre un engagement sous la forme d’un flot d’e-mails plus ou moins informatifs et des mesures sérieuses prises en vue d’une transition mûrement réfléchie – et cela vaut pour tous les cas de figure intermédiaires. Toutes ces mesures que l’on regroupe sous le terme d’«engagement» sont pourtant de natures très diverses et ne produisent pas du tout les mêmes effets.
Il faudrait rendre ces différences plus visibles à l’avenir, car la transformation de l’économie et son financement sont des enjeux de plus en plus importants dans toute la branche de la gestion d’actifs.
Un engagement judicieux est la clef d’une transformation réussie: en se familiarisant avec l’activité des entreprises, on développe une meilleure compréhension de la durabilité et de ses conséquences, ce qui permet d’améliorer considérablement l’évaluation des risques – une situation gagnant-gagnant pour tous.

 

Willem Schramade
Responsable Conseil en durabilité,
groupe Schroders
Professeur de finance,
Université Nyenrode, Pays-Bas
©Allnews.ch

Willem Schramade.