John Plassard.

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Une analyse de John Plassard (Mirabaud & Cie)

Immobilier US: attachez vos ceintures!

29 Juin 2022 | Finance immobilière

Nous assistons ces dernières années à une véritable bulle du secteur de l’immobilier américain. Celle-ci a été alimentée par bon nombre de facteurs: la baisse des taux hypothécaires, les achats frénétiques suite à la Covid-19 ou encore le peu de stock disponible sur le marché. Cependant, suite aux prévisions hawkish (voir Gros Plan) de la Fed, les taux hypothécaires pourraient s’envoler et laissent craindre un effondrement prochain du marché.

Pour les propriétaires, le logement a bien souvent une valeur affective inestimable. Cependant, sa valeur de marché évolue, selon la tension entre l’offre et la demande, l’état du bien, ses prestations ou défauts qui peuvent faire chuter le prix, ainsi que les taux hypothécaires. C’est notamment sur ce dernier point que les choses se corsent. Le taux contractuel moyen d’un prêt hypothécaire à taux fixe de 30 ans a légèrement augmenté, passant de 5,33% la semaine précédente à 5,40% au cours de la semaine qui s’est terminée le 3 juin 2022, se maintenant à des niveaux qui n’avaient pas été vus depuis 2009. Une augmentation qui a commencé à avoir un effet de refroidissement sur le marché du logement. Près d’un vendeur sur cinq a réduit les prix d’inscription au cours des quatre semaines terminées le 22 mai, le niveau le plus élevé depuis octobre 2019, a indiqué Redfin Corp la semaine dernière dans un rapport.

Plusieurs indicateurs alarmants

Dernièrement, plusieurs indicateurs inquiétants sur l’immobilier américain ont été publiés. Parmi ceux-ci, les demandes de prêts hypothécaires aux États-Unis ont continué de baisser en juin, alors que les taux hypothécaires augmentent, que les prix des logements restent élevés et que les stocks de logement sont faibles.
L’indice composite du marché MBA a chuté de 6,5% pour atteindre son plus bas niveau en 22 ans au cours de la semaine terminée le 3 juin. Les demandes de refinancement d’un logement ont chuté de 5,6% et celles d’achat d’une maison individuelle de 7,1%. Le taux contractuel moyen d’un prêt hypothécaire à taux fixe sur 30 ans a légèrement augmenté, passant de 5,33% à 5,4%.
De plus, la hausse du nombre de biens immobiliers nouvellement inscrits a bondi de 10% en mai par rapport à avril, soit +6,3% par rapport à mai 2021, soit le deuxième mois consécutif de hausse d’une année sur l’autre, après un mois d’avril à 1,3% en glissement annuel. Les 541 000 maisons nouvellement inscrites à la vente en mai constituent le plus grand nombre de nouvelles inscriptions depuis juin 2019. D’un autre côté, on constate une baisse des inscriptions en attente pour le mois de mai, les inscriptions qui se trouvent à différents stades du processus de vente, mais avant la conclusion de l’affaire. Ce chiffre a chuté de 12,6% en glissement annuel en mai, après la baisse de 8,7% en avril, ce qui constitue le neuvième mois consécutif de baisse en glissement annuel.
Les réductions de prix ont bondi de 74% en mai par rapport à avril, et de 69% par rapport à mai 2021, ce qui constitue un revirement soudain et massif par rapport aux niveaux très bas de l’année dernière et du début de l’année.
Enfin, le dernier signe en date du refroidissement et d’un éventuel tournant sur les marchés immobiliers pourrait être la chute des ventes de maisons de luxe. Un nouveau rapport de Redfin Corp. montre que les ventes de maisons de luxe ont chuté de 17,8% d’une année sur l’autre au cours des trois mois se terminant le 30 avril, soit la baisse la plus importante depuis le début de la pandémie de Covid-19. Deux autres périodes au cours de la dernière décennie ont connu des baisses plus importantes, toutes deux dans les premiers jours de la pandémie, avant l’exode des zones métropolitaines. Le ralentissement des ventes de maisons de luxe a commencé à l’été 2021. Il y avait également une pénurie de maisons de luxe sur le marché, les riches travailleurs à distance ayant fui les zones métropolitaines pour des villes et des États ruraux, fiscalement avantageux.
La baisse des demandes de prêts hypothécaires ne devrait être une surprise pour personne, puisque comme le détaille «Calculs politiques», après avoir atteint un nouveau plancher d’accessibilité en mars 2022, la maison neuve médiane aux États-Unis est devenue encore moins abordable pour un ménage américain typique en avril 2022. Le paiement hypothécaire de base pour un nouveau logement médian, en pourcentage du revenu médian d’un ménage, est passé de 33,8% de ce revenu en mars à 37,8% en avril 2022. Par ailleurs on constate que l’accessibilité financière brute des logements neufs a atteint un nouveau record à la baisse. Le revenu médian des ménages en avril 2022 ne représentait que 17,4% de la valeur de la maison neuve médiane vendue au cours du mois. Selon cette mesure brute, les logements neufs n’ont jamais été moins abordables pour la période sous analyse. Globalement, le marché de l’achat a souffert de la persistance d’un faible stock de logement et de la hausse des taux hypothécaires au cours des deux derniers mois. Cette aggravation des problèmes d’accessibilité financière a été particulièrement difficile pour les futurs primo-accédants.

Prix de l’immobilier en Suisse: vers une stabilisation.

Tension sur l’immobilier
commercial

L’immobilier commercial montre les premiers signes de refroidissement depuis plus d’un an, perturbé par la hausse des taux d’intérêt qui provoque déjà l’effondrement de certaines transactions. Les ventes de biens immobiliers ont atteint 39,4 milliards de dollars en avril, soit une baisse de 16% par rapport au même mois de l’année précédente, selon MSCI Real Assets. Cette baisse fait suite à 13 mois consécutifs de hausse. La baisse de 16% des ventes en avril a marqué un tournant abrupt par rapport à mars, où le total des ventes de propriétés commerciales avait augmenté de 57% par rapport au même mois de l’année précédente. Une baisse des ventes peut être un indicateur précoce de tension sur les marchés immobiliers, car les prix sont généralement plus lents à évoluer. Aujourd’hui, certains analystes commencent à se demander si la reprise ne s’essouffle pas. Les hôtels, les immeubles de bureau, les logements pour personnes âgées et les propriétés industrielles ont enregistré de fortes baisses des ventes le mois dernier.
Les ventes de propriétés commerciales ont augmenté en avril, le quatrième mois consécutif où les ménages américains ont augmenté leurs dépenses, tandis que les ventes d’immeubles d’appartements ont continué à augmenter en raison de la forte demande des locataires et de la capacité des propriétaires à augmenter les loyers. Toutefois, les analystes et les courtiers ont déclaré que l’activité dans ces secteurs pourrait ralentir, la hausse des taux d’intérêt empêchant certains investisseurs de faire des offres compétitives. De plus, la perspective d’un ralentissement de l’économie américaine plus tard cette année ou l’année prochaine pèse sur les ventes, parce qu’elle pourrait entraîner une baisse des loyers des bureaux, des commerces et des appartements.
En Europe aussi… La Banque centrale du Danemark a averti la semaine dernière que les propriétaires danois optaient de plus en plus pour des prêts plus risqués, et a réitéré ses recommandations antérieures en faveur d’un durcissement des règles de prêt. «Les nombreux prêts à amortissement différé constituent un problème structurel, car ils rendent les propriétaires plus vulnérables à une chute ultérieure des prix de l’immobilier», a déclaré la Banque centrale dans son rapport semestriel sur la stabilité financière. Un test de résistance mené par la banque a montré que certains grands établissements de crédit étaient sur le point d’enfreindre leurs exigences en matière de réserves de capital en cas de «récession grave». «Ils ont donc besoin de leur capital excédentaire actuel pour résister au stress», a déclaré la Banque centrale. En Suisse, la tendance est la même. Depuis 1998, les prix des maisons suisses ont doublé. Aujourd’hui, le boom prend fin. Les experts annoncent des changements fondamentaux au sein du marché immobilier en la comparant certaines fois la situation avec celle de 1991. A cette époque-là, en octobre, des clients désemparés prennent d’assaut leur banque, en vain: les guichets restent fermés. Les images du drame font alors le tour du monde. Le krach immobilier détruit toute l’économie. Une grave récession s’installe.
La hausse des taux de la part de la Fed ne doit surtout pas être minimisée par les investisseurs et les (futurs) propriétaires de biens immobiliers. En effet, elle pourrait amener la nette progression sur les prix de l’immobilier que nous connaissons depuis le début de la Covid à revenir à des niveaux considérés comme plus «normaux». Si nous ne sommes pas dans le même cas de figure qu’en 2008, il convient tout de même de «marquer à la culotte» les prix de l’immobilier ces prochaines semaines. Ce d’autant plus que le problème n’est pas uniquement américain…

 

John Plassard
Directeur, Mirabaud & Cie

GROS PLAN

Hawkish ou dovish?

 

Une politique monétaire hawkish a pour objectif de lutter contre l’inflation. En cas d’orientation hawkish, la Banque centrale utilise tous les moyens possibles pour combattre cette inflation qu’elle considère comme le danger absolu et peut exercer des pressions récessionnistes. La croissance économique n’est pas une priorité.
Pour lutter contre l’inflation, tous les moyens peuvent être utilisés et notamment une hausse des taux d’intérêt.
On peut citer comme exemple la politique monétaire menée pendant des années par Jean Claude Trichet à la BCE, qui faisait de la lutte contre l’inflation sa priorité. On parle alors de politique restrictive. Une politique hawkish est généralement appliquée dans une période de croissance économique ou de reprise. En théorie, une politique hawkish est favorable à l’appréciation de la devise sur le Forex.
Une politique monétaire dovish a pour objectif la croissance économique. En cas d’orientation dovish, la Banque centrale utilise tous les moyens possibles pour favoriser la croissance économique. L’inflation n’est pas un sujet de préoccupation.
Une politique dovish est marquée par une baisse des taux d’intérêt et l’utilisation de mesures non conventionnelles pour dynamiser l’économie. On parle alors de politique monétaire expansionniste. Ces dernières années, les principales Banques centrales ont appliqué une politique monétaire dovish. Une politique
dovish est généralement appliquée dans une période de récession ou de surchauffe de l’économie. En théorie, une politique dovish peut entraîner la dépréciation de la devise sur le Forex.

 

Source: www.centralcharts.com