Fiscalité
Fiscalité de l’outil de travail – Une réforme suffisante à Genève?
Genève est le canton qui taxe le plus la fortune de ses résidents, y compris l’outil de travail des dirigeants d’entreprise. Alors que les cantons voisins prévoient tous des allègements et que la France a supprimé cet impôt, Genève cherche à regagner de la compétitivité fiscale. Le Projet de loi modifiant la Loi sur l’imposition des personnes physiques (LIPP) pour une imposition allégée de l’outil de travail des entrepreneuses et entrepreneurs actionnaires a été déposé par le Conseil d’Etat le 28 juin dernier.
Une taxation inégale et élevée à Genève
Tandis que de nombreux pays suppriment l’impôt sur la fortune, la Suisse fait figure d’exception. La Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) stipule que les cantons doivent prélever un impôt sur la fortune des personnes physiques, ayant pour objet l’ensemble de la fortune nette du contribuable, y compris donc son outil de travail. Cet impôt, complexe et coûteux à mettre en œuvre, a aussi un impact psychologique fort, qui peut conduire le contribuable à ne pas venir s’installer ou à s’expatrier.
Lorsque l’entrepreneur exerce son activité sous la forme d’une société de capitaux, il est propriétaire de titres relevant de la catégorie des valeurs mobilières, dont l’imposition en tant qu’élément de fortune est dévolue à son lieu de résidence. Ces titres, qui constituent son outil de travail, sont évalués selon une formule mathématique dont les règles sont unifiées en Suisse (Conférence suisse des impôts, circulaire 28: «Instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune »). La valeur théorique ainsi déterminée entrera dans sa fortune imposable et subira l’impôt de son domicile.
L’imposition est très inégale, car les cantons demeurent libres de déterminer les taux et de possibles exonérations et allègements. Genève connait le taux marginal le plus élevé, dépassant 1%, soit plus du double de la moyenne des cantons et plus de cinq fois supérieur à certains cantons alémaniques. Par ailleurs, tous les cantons romands sauf Berne disposent de mesures octroyant des réductions sur l’imposition de l’outil de travail, tandis que chez nos voisins français et allemands il n’est tout simplement pas taxé.
Une imposition qui questionne
Alors que les fonds propres de la société subissent déjà l’impôt sur le capital des personnes morales, cette même substance est à nouveau taxée à l’impôt sur la fortune de l’entrepreneur, en tant que fortune mobilière. Cette situation n’incite donc pas à investir dans son entreprise.
Lorsque l’entreprise se développe et que les bénéfices s’accumulent, la double taxation s’aggrave en raison du mécanisme de calcul de l’estimation des titres, car il conduit alors à une valeur plus élevée que les fonds propres comptables. La fortune ainsi taxée n’est pourtant pas disponible pour l’entrepreneur. Dans les cas extrêmes, le dirigeant peut même être contraint de se distribuer un dividende pour régler son impôt sur la fortune, ce qui affaiblira la trésorerie de son entreprise et augmentera son impôt sur le revenu.
Une réforme qui vise à alléger de 60% la fiscalité de l’outil de travail
Le projet de réforme vise exclusivement l’entrepreneur qui exerce une activité dépendante principale au sein de la société non cotée en Bourse qu’il détient dans sa fortune privée. La participation détenue de manière directe ou indirecte doit être d’au moins 10% du capital. L’allègement pour le pur investisseur, ainsi que sur les titres cotés, est donc exclu. Concrètement la mesure accorderait une réduction de 60% de l’impôt afférent à l’outil de travail. La diminution des recettes fiscales engendrées a été estimée à 33.3 millions de francs par année pour le canton et les communes.
Le rabais est certes important, mais il n’en demeure pas moins que Genève reste le canton avec l’impôt sur la fortune le plus élevé de Suisse. Seul l’avenir nous dira si la mesure, en cas d’adoption, freinera les départs d’entrepreneurs vers d’autres cantons ou pays et si au contraire de nouveaux dirigeants d’entreprise viendront établir leur résidence à Genève.