Une maison de poupée plus actuelle que jamais

«C’est une pièce que j’avais depuis longtemps envie de monter, mais ce n’était pas le bon moment, explique Anne Schwaller. Bien que la pièce date de la fin du XIXe siècle, elle reste toujours d’une grande actualité et résonne très fort aujourd’hui. L’écriture, au début, a quelque chose du thriller avec cette femme, Nora, qui est sous pression, victime de chantage. A l’acte III, Nora fait un revirement à plus de 180° en décidant de devenir l’individu qu’elle est avec ses opinions, sa propre compréhension du monde. Mais surtout elle abandonne ses enfants, ce qui constitue une proposition très puissante de la part de l’auteur. A l’époque, c’était très mal accepté, mais aujourd’hui encore, on ne comprend pas qu’une femme puisse abandonner ses enfants pour devenir qui elle est. Le théâtre n’a pas pour mission d’apporter une explication, mais de demander au spectateur de se positionner».
Pour la comédienne et metteure en scène, Une maison de poupée est aussi une pièce porteuse d’espoir. «En 2018, dans le spectacle Claudel(s), je faisais se rencontrer Paul Claudel et sa sœur Camille Claudel, tous les deux très âgés. Ils finissaient par danser ensemble, dans un mouvement de réconciliation. C’était une manière d’amener une notion d’espoir. Dans la pièce d’Ibsen, Nora part, mais Torvald reste et il porte cet espoir».
Pour la mise en scène, Anne Schwaller s’est complètement dissociée de la version norvégienne des années 70 – avec une Nora hystérique et très caricaturale – pour travailler sur les différentes générations représentées: le couple Nora-Torvald, qui est jeune au début de la pièce, le Docteur Rank et la nourrice, qui sont maintenant très âgés, et les personnages célibataires qui ont la cinquantaine. «Ce sont des personnages très beaux et complexes», estime Anne Schwaller, pour qui la question centrale était donc de trouver qui étaient ces personnages au XXIe siècle.

Anne Schwaller: «C’est une pièce que j’avais envie de monter depuis longtemps, mais ce n’était pas le bon moment».

Henrik Johan Ibsen, né le 20 mars 1828, est un dramaturge
norvégien.

Un casting à l’oreille

Musicienne – elle a suivi une formation de pianiste au Conservatoire de Fribourg – Anne Schwaller choisit les comédiens et comédiennes avec qui elle a envie de travailler en tenant compte de leurs voix. «C’est très important pour moi. J’étais musicienne avant d’être comédienne».
Cette pièce marque le retour sur scène de la comédienne Véronique Mermoud dans le rôle d’Anne-Marie, la nourrice de Nora, puis de ses enfants. Des retrouvailles pour Anne Schwaller et Véronique Mermoud. «A mes débuts, raconte Anne Schwaller, j’avais un petit rôle dans Les bas fonds de Gorki. Tous les soirs, je mourais dans les bras de Véronique. C’était une expérience extraordinaire. J’ai ensuite travaillé sept ans avec elle au Théâtre des Osses. Véronique avait ensuite arrêté de jouer au théâtre. Quand elle m’a dit ‘oui’, c’était une immense émotion».
Depuis quelques années, la femme metteur en scène fribourgeoise travaille avec les frères Guillaume afin, dit-elle, d’amener la dimension vidéo au théâtre. Ainsi, à l’acte I qui se déroule dans la maison de Nora et Torvald, le spectateur est plongé dans un univers holographique composé de grands murs de quatre mètres de haut et de six mètres de large et d’un papier peint qui, grâce à des techniques d’animation, va se délabrer petit à petit, à l’image de la situation de Nora.

Virginia Aubert