Laurent Sciboz avec son coéquipier Nicolas Tièche survolant le pays.

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culture & nature - La Suisse vue d’un ballon

Une certaine idée de la liberté

5 Avr 2023 | Culture, histoire, philosophie

Raconter une géographie et un territoire, c’est le projet subtilement poétique de Laurent Sciboz dans «La Suisse vue du ciel», remarquable album photographique paru aux éditions Sept SA qui éditent la prestigieuse revue du même nom et de nombreux mooks (magazines-livres). Envolons-nous à hauteur de montgolfière pour découvrir les paysages et les couleurs de notre pays vu du ciel.

Informaticien de profession, Laurent Sciboz pilote des ballons depuis 2011. En 2017, avec son coéquipier Nicolas Tièche, il bat le record du plus long vol en compétition. En 2019, le duo helvétique devient champion du monde de ballon à gaz en remportant la prestigieuse course Gordon Bennett. Le Fribourgeois Laurent Sciboz est aussi excellent photographe et a toujours son appareil à portée de main pour fixer les décors, les villes, les animaux survolés ni trop près ni trop loin, dans la juste distance imposée par la montgolfière. Dans l’album récemment paru «La Suisse vue du ciel», il fixe le rapport entre campagnes vertes ou enneigées et urbanisme d’un territoire helvétique certes densifié et aménagé, mais où subsistent de remarquables surfaces doucement irisées ou franchement colorées de blé, de colza ou d’herbe et de rocher.
Ce faisant, l’aérostier photographe s’interroge naturellement sur la relation toujours complexe des hommes avec leur environnement naturel et animalier.
Le livre révèle aussi les secrets du vol en ballon, célébré par un texte inspiré de Gérard A. Jaeger, écrivain fribourgeois spécialiste notamment du monde maritime et de la flibuste, qui offre un texte évoquant l’art de s’élever dans le ciel, d’Icare aux frères Montgolfier ou à Pilâtre de Rozier. Car l’ouvrage est aussi, autant qu’une vision de la Suisse forcément limitée ou subjective, une découverte du vol en ballon à gaz et de la compétition à laquelle les aérostiers se livrent. Grâce au point de vue de certaines photos, le lecteur a vraiment l’impression presque physique de se trouver dans la nacelle aux côtés de Laurent Sciboz, dont le regard reste toujours bienveillant et ne tombe jamais dans le sarcastique ou le détail humoristique. Son œil est amoureux des paysages doucement et calmement survolés, qui se révèlent comme des œuvres d’art.

De remarquables surfaces doucement irisées ou franchement colorées… Des résultats presque surréalistes. Sur cette image, Schoenried/BE.

La liberté du voyage

Car ce que recherche surtout Laurent Sciboz dans la compétition et plus généralement dans le vol en ballon, c’est avant tout la liberté du voyage. Le champion fribourgeois précise: «En soi, la compétition ne m’intéresse pas plus que cela. C’est grisant bien sûr de gagner une course, de battre un record et d’être sur le devant de la scène, mais pour moi, l’important dans ce sport et ces vols de longue durée, c’est le voyage. La Gordon Bennett par exemple, nous ouvre le ciel dans une liberté totale. Depuis sa création en 1906, les règles de cette épreuve annuelle sont simples: il faut voler le plus loin possible pour l’emporter. Le contrôle aérien des pays que nous traversons nous accompagne, nous guide et nous ouvre la voie. C’est cette liberté de vol absolue que je recherche».
Une liberté que Patrick Vallélian, journaliste et directeur de Sept.ch, dit que «Laurent Sciboz aime partager à travers ses photographies à la fois poétiques, rares et émouvantes». Car Laurent Sciboz est non seulement un excellent pilote de ballon, mais aussi un très bon photographe, à l’œil curieux et aiguisé. Pourquoi emporte-il un appareil photo dans son ballon? Réponse de l’aérostier, réel descendant des frères Montgolfier: «Ce que je vois de là-haut est tellement beau que j’ai souhaité partager cette vision des paysages que je traverse, des habitations que je survole sans bruit, avec ceux qui n’ont pas la chance de voyager en ballon. Pour moi, la photographie a très vite été un outil pour transmettre l’émerveillement que l’on éprouve en vol. J’y vois beaucoup d’esthétique. J’aime surprendre les gens en leur présentant des angles originaux». Partager la beauté du monde et transmettre l’émerveillement du vol en ballon: quel plus beau challenge, pleinement réussi par La Suisse vue du ciel»? La beauté sauvera le monde, une fois de plus.

 

Laurent Passer

«La Suisse vue du ciel»,
par Laurent Sciboz,
Editions Sept.ch.