Les deux Judith interprètent la fille et la mère.

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A l’Usine (Genève)

Un spectacle pour réparer les liens mère-fille

9 Mar 2022 | Culture, histoire, philosophie

Associant danse et théâtre sous un angle cinématographique, le spectacle «Je m’appelle Barbara, mon prénom est Suzanne» raconte les derniers moments d’une mère avec sa fille. Une libération de la parole puissante et émouvante. A voir du 10 au 13 mars au Théâtre de l’Usine, à Genève.

Une mère et sa fille vivent leurs derniers moments ensemble. Des derniers moments marqués par la démence de la mère que l’on devine atteinte d’Alzheimer, sans que ce soit jamais formulé. Des derniers moments dominés par l’urgence aussi, celle d’une fille qui doit – enfin – dire à sa mère le manque d’amour dont elle a souffert enfant et qui l’obsède.
Infirmière très jeune, à Paris, dans un service de soins palliatifs, Judith Desse, aujourd’hui danseuse et chorégraphe, s’est inspirée de cette expérience pour créer un spectacle étonnant, tendre, drôle et profondément émouvant.
Un texte morcelé interprété par la comédienne Judith Goudal, ponctue le déroulé du spectacle jusqu’à la fin. De fait, les deux Judith (Goudal et Desse) interprètent tour à tour mère et fille.
La musique du compositeur Marcin de Morsier, écrite spécialement pour «Je m’appelle Barbara, mon prénom est Suzanne», s’égrène aussi, avec des notes répétitives ou déformées, tout au long du spectacle.

Interrogations sur la parentalité

Ce spectacle, qui associe dans une même histoire et une même voix fiction et documentaire, est né d’une réflexion de Judith Desse. «A 29 ans, je n’ai pas encore d’enfant, mais je me vois de plus en plus mère, dit-elle. C’est un sujet qui m’intéresse et, pour écrire le spectacle, je me suis inspirée des rapports avec ma mère et de ce qui m’entourait. Comme future mère, je me demande comment ne pas faire trop d’erreurs, comment ne pas perdre de temps», confie-t-elle.
Le spectacle n’a rien de désespérant. «La fille n’est pas dans le reproche ni dans la haine, elle veut juste réparer les choses et rendre hommage à cette mère avant qu’il ne soit trop tard», précise-t-elle.
L’humour cohabite avec des scènes à la puissance dévastatrice. La fille raconte. Un jour, elle est assise dans la cuisine face à sa mère qui beurre avec un soin extrême chacune de ses biscottes et … le drame se produit. «Une pièce porteuse d’espoir, explique Judith Desse. Comment peut-on combler finalement les silences et crier son amour à ses parents? A sa mère?».
«Tout raconter. Dire la vérité juste une seule fois et ensuite partir, par honte d’avoir tout dégueulé. Dégueuler les mots pour la dernière fois. La fois de trop. Le trop-plein que j’ai là en-dedans. Dans le bide. La bile. Vomir. Vomir d’amour. D’amour pour que tu me regardes. Me regarder et m’oublier», écrit Judith Desse.

 

Caroline Baud