Victor Lustig était un tricheur et un arnaqueur-né. Son plus beau coup est sans aucun doute la vente de la Tour Eiffel.

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HISTOIRE - La crédulité a-t-elle des limites?

Trois escroqueries célèbres

14 Déc 2022 | Culture, histoire, philosophie

Des avions qui reniflent des gisements de pétrole, une jungle hostile présentée comme un Eldorado ou la Tour Eiffel vendue à un ferrailleur: les escrocs n’ont jamais manqué d’imagination.

«L’affaire des avions renifleurs», une escroquerie qui coûta cher au gouvernement français de l’époque!
Le général Gregor McGregor prétendait qu’en récompense de ses succès, on lui avait offert un territoire dans le golfe du Honduras.

Commençons par une incroyable mystification, intervenue en France début 1976, soit trois ans après le premier choc pétrolier. Un certain Jean Violet, ancien agent secret devenu avocat, demanda à rencontrer Pierre Guillaumat, p.-d.g. du groupe Elf, pour lui révéler que deux inventeurs venaient de mettre au point un système révolutionnaire. Il s’agissait d’un appareil installé dans un avion et capable de détecter des gisements de pétrole jusqu’à 6000 mètres de profondeur.
Ces deux «génies» se nommaient Alain de Villegas (un ingénieur belge) et Aldo Bonassoli (un Italien, ancien agriculteur devenu réparateur de téléviseurs). Bien entendu, l’avocat se prévalait du soutien de nombreuses personnalités du monde politique et de la finance internationale. Des essais furent organisés au-dessus de gisements connus et les résultats semblaient prometteurs. En fait, les écrans faisaient apparaître des cartes préalablement enregistrées… Il faut dire que les faussaires avaient des complicités au sein du groupe Elf. Pourtant, une certaine méfiance persistait et nos escrocs menacèrent de vendre leur invention à d’autres pays.
Comme il s’agissait de sommes considérables et que l’invention pouvait avoir une portée stratégique, l’affaire fut soumise aux plus hautes autorités. Ajoutons que l’on avait réussi à faire croire que ce système pouvait également détecter des sous-marins nucléaires en plongée! Le président de la République française d’alors, Valéry Giscard d’Estaing, et le premier ministre Raymond Barre donnèrent leur accord. Plusieurs contrats furent signés pour des sommes avoisinant le milliard de francs français. C’est en juillet 1979 que les autorités comprirent qu’elles avaient été bernées et tout fut fait pour cacher cette désastreuse mystification. Après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, les langues se délièrent. En 1983, le «Canard enchaîné» publia une enquête sur ce fiasco, lançant ainsi «l’affaire des avions renifleurs». L’article était illustré par un dessin montrant un avion muni d’une trompe d’éléphant… Une commission d’enquête parlementaire dédouana le président VGE, mais fut plus sévère pour son premier ministre. Cependant, aucune suite judiciaire ne fut donnée à cette affaire, dont de nombreux points restent encore aujourd’hui mystérieux.

Le Poyaïs, nouvel Eldorado

Au début du XIXe siècle, l’Amérique du Sud était en pleine guerre d’indépendance. Ce conflit attira de nombreux aventuriers et mercenaires en quête de fortune. C’était le cas du général écossais Gregor McGregor, qui participa à plusieurs combats et finit par épouser la cousine du fameux Simon Bolívar. En 1821, il retourna en Europe et s’installa en Angleterre, où il fréquenta les salons à la mode. Il prétendait qu’en récompense de ses succès, on lui avait offert un territoire nommé le Poyaïs, dont il était le cacique. Il ne tarissait pas d’éloges sur cet endroit situé dans le golfe du Honduras: paradisiaque, avec des terres fertiles et giboyeuses, des rivières où scintillaient des paillettes d’or…
Il fit paraître un guide publicitaire de 400 pages et imprimer des dollars du Poyaïs. Rapidement, des souscripteurs se pressèrent pour acheter des concessions. Les premiers partirent fin 1822, mais, une fois arrivés, quelle cruelle désillusion! Ils ne trouvèrent qu’une jungle infestée de moustiques, où régnaient le paludisme et la fièvre jaune. Près des trois quarts décédèrent sur place et seul une cinquantaine d’entre eux arrivèrent à regagner l’Angleterre. Mais McGregor était déjà parti s’installer à Paris pour y remonter la même escroquerie. Arrêté, jugé, il arriva à obtenir l’acquittement et finit ses jours au Vénézuela, dans l’opulence.

La Tour Eiffel en vente

Originaire de l’Empire austro-hongrois, Victor Lustig (1890-1947) était un tricheur et un arnaqueur-né. Parmi ses innombrables «exploits», son plus beau coup est sans aucun doute la vente de la Tour Eiffel. Fin 1925, on disait que la mairie de Paris avait du mal à payer les frais d’entretien du fameux monument et des articles de presse s’en étaient fait l’écho. Rappelons qu’elle avait été construite pour l’Exposition Universelle de 1889 et qu’elle ne devait pas être conservée.
Lustig décida d’exploiter ces rumeurs en invitant, à l’aide d’une lettre à en-tête de la mairie de Paris, cinq ferrailleurs à l’Hôtel Crillon. Parmi les candidats, ce fut le bien nommé André Poisson qui mordit à l’appât. Comme aucun marché ne se faisait alors sans commission occulte, Lustig réclama une avance. Le pauvre Poisson se rendit vite compte qu’il avait été roulé dans la farine et, par crainte du ridicule, n’osa pas porter plainte. André Lustig décida alors de récidiver mais, cette fois-ci, l’acheteur prévint la police. Trop tard: l’escroc s’était déjà enfui aux Etats-Unis, où il recommença ses combines frauduleuses, qui finirent par le conduire à la prison d’Alcatraz, où il mourut. Tous ces arnaqueurs avaient compris que le meilleur moyen d’être crus était de faire le mensonge très gros…

 

Frédéric Schmidt