Pas toujours facile de distinguer un chérubin d’un plaideur.

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hors champ

Tout savant est-il plaideur?

21 Sep 2022 | Culture, histoire, philosophie

Courir de congrès en salon en colloque: on dira que c’est là plus du marathon qu’un reportage. Pourtant, c’est la seule manière d’entrer dans le monde savant sans en prendre d’esprit de clocher. D’autant que, cette semaine, c’est pour un procès des plaideurs – de la santé et du climat – que la cloche a sonné.

«En recherche médicale, tous les résultats sont faux!»: ce n’est pas un club de pataphysique ni une revue d’ayurvédique qui le dit, mais la Faculté de médecine elle-même… dans le cadre du courageux séminaire «Ethique Histoire Humanité(s)». Depuis le début de ce siècle, des études au long cours ont montré que les forfanteries formaient l’essentiel des plaidoiries scientifiques… en médecine, du moins. Pour nous consoler, on ajoute aussitôt «mais c’est pire encore en psycho et en éco»… ce qui console surtout les médecins, mais ne rassure guère le public.

Seuls les tabous sont aussi
«durables»

D’ailleurs, le problème est moins de sujet que de contexte: peu de gens doutent que la peste soit due à un bacille ou que les gènes aient une forme d’hélice… mais dès lors qu’une assertion sur l’efficacité d’un traitement vaut une chaire de prof ou un budget de labo, les règles de caste l’emportent sur la quête des faits. C’est tout aussi vrai en mécanique qu’en médecine: des cas tragiques dans l’aviation ou le bâtiment l’ont démontré. Quand un médicament doit être homologué pour être administré aux patients, le contrôle est sans doute plus rigoureux. On peut tout de même s’étonner de la longévité des tabous en recherche médicale (avec ou sans pandémie).

Les alternatifs aiment le
monopole

Les «indiscutables» conclusions des experts mondiaux ès climatologie (ipcc.ch) sont-elles plus solides que celles des autres «ès»? Les mauvaises langues disent qu’elles ne valent pas mieux que les découvertes médicales ou que les lois de l’économie. Chez les gens «qui savent», l’erreur n’est pas mensonge: en écologie, elle se cache peut-être dans ce qu’on omet (comme les bactéries) sinon dans ce qu’on affirme (sur l’aviation). Et au Palais des Nations lors du Conseil des droits de l’homme, l’oreille externe est surprise par la hargne des militants climatistes les plus informés (ciel.org), face à la «geo-engineering», à savoir les solutions techniques (comme des aérosols de sulfate dans l’air): comme si en trouvant des solutions au problème, on leur volait leur os… ou on brisait leur monopole. La charte des Alternatiba (voir plus loin) est des plus explicites à cet égard.

Pavillon noir et écume blanche

Les sciences de l’environnement sont-elles donc «du blabla», comme l’affirmait il y a peu une émérite doctoresse ayant fait une thèse dans la branche et une autre en philologie? En tout cas, si le récent congrès d’écologie (intecol2021.org) fut sérieux dans le détail – sur les queues des feuilles des arbres… pour parler de façon imagée – il a aussi pu cacher la forêt des questions globales. Car dans l’opaque futaie et dès le premier jour, les «décoloniaux» guettaient le «pouvoir machiste» des visages pâles. Dont sont exclus les peuples de couleur… «en particulier dans la recherche sur les squales» (sic) dominés par le requin blanc (pas sic mais pas loin). Ces obsessions de la «science engagée» forment un discours plus rationnel qu’il semble, dès lors qu’à la fin, ces groupes de pression – prompts pourtant à dénoncer les «lobbies» – énoncent leur programme: «Entrer en nombre aux commissions de nomination».

Le grand «risque»: défier les
avocats «climatiques»

Au Programme des Nations Unies pour l’environnement (unep.org et genevaenvironmentnetwork.org), on fut surpris de ces attaques, du moment que cette agence onusienne à justement choisi – il y a un demi-siècle – Nairobi contre Genève comme siège. On parlait plus haut d’esprit de clocher: là aussi, l’Unep a fait de son mieux pour coupler Intecol et Alternatiba, ce festival «de la transition» pour lequel les autorités politiques et facultaires de notre Cité font du battage un mois durant (alternatibaleman.org… «indépendante de tout parti politique»… sinon l’inverse). Hélas, pas une brochure du programme d’Alternatiba n’a été vue à Intecol, ni l’inverse! D’ailleurs, si Alternatiba a ses côtés sympathiques, c’est un étrange attelage d’exaltés, de sectaires et d’arrivistes, où trouver une pointe de vérité est comme trouver une aiguille dans une botte de foin (decroissance.ch et noe21.org font toutefois preuve d’une tolérance inconnue des «woke» (unil.ch); quant à la section d’assaut contre l’indépendance de la Justice (avocatclimat.ch) au titre de «nécessité», laissons-là au bénéfice du doute jusqu’à sa soirée de ce mercredi à La Comédie).

Effets de manches ou
retroussage?

Cette semaine, c’est sans doute le congrès le plus discret – malgré l’aréopage d’officiels mondiaux et locaux – qui fut le plus sérieux et le plus sincère dans la lutte contre les dérives du climat: celui de la Fédération internationale des ingénieurs conseils (fidic.org), consacré aux «infrastructures»… d’où le ministre genevois Serge Dal Busco venu sur place parler à ses «confrères et consœurs». Même l’Afrique – très présente sur scène le second jour – était plus réelle que celle qui joue des coudes dans les organisations internationales depuis Amadou-Mahtar M’Bow: la biographie du gouverneur de Lagos Babajide Sanwo-Olu – invité vedette de la séance «Mega City» – révèle un homme de terrains… le pluriel n’étant pas de trop. Elle n’est pas sans tache, mais c’est sans doute le prix à payer pour être dans la réalité. Où peinent parfois à entrer les grands penseurs: le «colloque international» sur «l’avenir des villes africaines» (genevaafricalab.ch) qui s’est tenu la même semaine à Uni-Mail n’était pas au courant du congrès de la Fidic… et c’est «dommage», a reconnu ledit «lab».

Le mariage et l’emploi… deux foires aux illusions

L’œil fixé sur les Objectifs climatiques, la Fidic clame – mais sans emphase – «notre mission est de sauver la planète». Mais elle regrette que l’ingénierie civile et mécanique ne fasse plus vibrer les masses de jeunes. Sauf les frimeurs au curriculum-vitae, «souvent démenti par la réalité»: dans toute l’Europe, on peine à trouver «du solide» malgré la masse des diplômés au chômage. Et si la frime était le seul savoir «durable» de ce millénaire?

 

Boris Engelson