Richard Collasse.

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Tout l’amour du Japon!

9 Mar 2022 | Culture, histoire, philosophie

Il aime le Japon où il a vécu presque cinquante ans, d’abord attaché de presse à l’ambassade de France à Tokyo, puis président de Chanel de 1995 à 2018. Français établi à Genève depuis trois ans, Richard Collasse vient de publier le Dictionnaire amoureux du Japon, un pavé de 1275 pages, enthousiasmant et captivant, qui explore tout ce qui fait la singularité, la richesse et le charme du pays du Soleil-Levant. Rencontre.

Le livre pèse plus d’un kilo, c’est le plus gros de la collection des dictionnaires amoureux, mais il se lit très vite, trop vite, au fil de ses 212 entrées qui explorent un peu tous les domaines: art de vivre, mangas, cinéma, littérature, histoire, architecture. Richard Collasse, 68 ans, a mis trois ans pour rédiger ce Dictionnaire amoureux du Japon, qui a d’ores et déjà battu tous les records de vente de la collection pour sa phase de lancement. Le Japon fascine, le Japon intrigue, séduit, éblouit…

Toute une vie au Japon

Comme il nous l’explique «Chez Philippe», le restaurant de Philippe Chevrier au centre-ville de Genève où nous nous rencontrons, Richard Collasse a vécu son enfance au Maroc et a débarqué à Paris à 20 ans pour suivre l’Ecole des langues orientales, avant de s’envoler pour le Japon, ce pays pour lequel il avait eu un coup de foudre en 1971, à 18 ans, lors d’un premier voyage. C’est à Tokyo qu’il a fait sa vie et sa carrière, marié une première fois (quatre enfants) puis une deuxième avec sa femme actuelle, Naoko (un enfant). Parlant parfaitement japonais, il a travaillé d’abord comme attaché de presse à l’ambassade de France, avant de devenir le patron de Chanel pendant plus de vingt ans.
Installé depuis trois ans à Genève, où il continue de travailler pour la maison de luxe française, il a conservé sa maison à Kamakura, l’ancienne capitale près de Tokyo, célèbre pour ses temples et sa statue du Grand Bouddha (93 tonnes). C’est là qu’il passé les fêtes de fin d’année avec sa femme et son fils de 21 ans, étudiant en médecine aux Etats-Unis. Un sacré parcours multiculturel qui se poursuivra, cette année, par un nouveau déménagement dans la maison qu’il a achetée à Gland, dans le canton de Vaud.

Français d’origine et Japonais de cœur

Le Dictionnaire amoureux du Japon, c’est bien sûr un cri d’amour et de tendresse, mais c’est aussi et surtout l’envie de faire partager ses découvertes et ses émerveillements, ses émotions et ses coups de coeur. Richard Collasse paraît plus jeune que son âge, il ressemble en fait à un jeune homme espiègle, élégant et farceur. Il a le sourire facile, le rire léger et convivial. Il a déjà écrit plusieurs romans, salués par la critique et, pour l’un d’eux, récompensé par un prix prestigieux, qui se passent tous au pays du Soleil-Levant.
Oscille-t-il en permanence entre deux mondes, entre l’Orient et l’Occident? Il les connaît l’un et l’autre, en tout cas, et il leur parle en toute lucidité. Son Dictionnaire amoureux a le ton de la discussion entre amis, tout en montrant le sérieux de la culture profonde. Ce qu’il raconte, c’est la réalité du Japon telle qu’elle est apparue et telle qu’elle s’est révélée peu à peu à un jeune Français devenu japonais par le cœur et par l’esprit.

Le soft power du Japon

«J’ai voulu montrer toutes les facettes du Japon, explique Richard Collasse. Je parle de la vie quotidienne, des traditions, de l’histoire, des relations familiales, de la vie professionnelle, des phénomènes de mode, du sens de l’esthétique, des aspirations des jeunes». Comme le dit son éditeur, le Dictionnaire amoureux du Japon est «un ouvrage kaléidoscopique où s’entremêlent l’histoire, la géographie, les traditions et la modernité, la littérature et la mode».
On y retrouve au fond tout ce que les Américains appellent le soft power, c’est-à-dire cette espèce de séduction douce et ensorcelante, comme l’expression ultime d’une civilisation. Les mangas sont bien sûr présents, en première ligne, en toute majesté. Et puis il y a tout le reste: les sakura, les futons, les marchés aux poissons, les sushis, les konbinis (ces petits magasins ouverts 24 heures sur 24), la mémoire toujours vivante des samouraïs, le shintoïsme, le drame de Fukushima, les grands écrivains, les cinéastes, les artistes, les champions de sumo et de baseball, les signes du zodiaque, les pèlerinages, les kimonos, le saké, le Fuji san, l’empereur…

Et pour finir, Carlos Ghosn

Richard Collasse consacre aussi une longue entrée à Carlos Ghosn, le jadis tout-puissant et désormais déchu patron de Renault-Nissan, qui était devenu son ami. Arrêté par surprise à son arrivée à l’aéroport de Tokyo, le 19 novembre 2018, et accusé de multiples délits financiers, Carlos Ghosn avait été remis en liberté provisoire après des mois de détention. «Nous l’avions invité à un dîner chez nous, le 29 décembre 2019, mais il s’était décommandé la veille. Le soir où il devait être chez nous, c’est le jour où il est parti pour Beyrouth depuis l’aéroport d’Osaka, caché dans une caisse de sonorisation. On s’est parlé depuis au téléphone, je lui ai envoyé mon texte sur sa personne, sur lequel il n’a pas voulu faire de commentaire. Je lui ai promis d’aller le voir bientôt à Beyrouth».

 

Robert Habel