Thomas Büchi, devant une passerelle en bois qui enjambe la Borgne, près de Bramois/VS.

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CONSTRUCTION - Bibliothèque de l’Immobilier

Thomas Büchi, prophète du bois

15 Fév 2023 | Culture, histoire, philosophie

Il aime le bois, il a même la passion du bois, et c’est quasiment lui qui a remis le bois à la mode en Suisse, il y a trente ans, à la tête de sa société Charpente Concept. Invité la semaine dernière par la Bibliothèque de l’immobilier, institution fondée par le groupe Naef Immobilier, l’ingénieur bois Thomas Büchi a expliqué, lors d’une conférence très suivie, son parcours de créateur.

Une conférence hors du temps, dynamique et sereine, devant une centaine d’invités attentifs et séduits. Thomas Büchi, 63 ans, est un grand créateur, mais aussi un orateur passionné et enthousiaste. Il raconte son parcours tout en faisant rire et sourire, car si la création est une œuvre stimulante et touchante, elle ne ressemble jamais à un long fleuve tranquille. C’est même une histoire abrupte, heurtée, compliquée, avec ses moments de joie et de liberté, mais aussi ses moments de dureté et de doute, comme il l’a expliqué dans un livre paru il y a une dizaine d’années, «Le bois, ma passion» (Editions Slatkine), co-écrit par notre collaboratrice Valérie Duby. Thomas Büchi a une passion dévorante pour le bois ou plutôt pour tous les bois issus de nos forêts, ces matériaux devenus au fil des siècles les supports de nos maisons et de nos églises, mais aussi et surtout de nos imaginaires et de nos vies.

Le sens des forces profondes

Le bois, explique Thomas Büchi, c’est une matière vivante. Ce n’est pas comme l’acier, cette matière froide, artificielle; c’est une matière qui vit, qui évolue, qui vibre. Pourquoi le bois a-t-il été depuis toujours au cœur de l’acte de bâtir? Pourquoi a-t-il été depuis toujours ce matériau noble qu’il s’agissait, tout à la fois, de comprendre, de maîtriser et de magnifier? Mais pourquoi a-t-il été considéré pendant si longtemps, pendant plus d’un siècle et pendant les fameuses Trente Glorieuses, comme un matériau trop compliqué, ringard et dépassé? Si le béton n’inspire aucun sentiment spirituel, sauf peut-être chez son grand défenseur, l’architecte français Rudy Ricciotti, le bois ne cesse au contraire de faire rêver et d’ouvrir sur d’autres sensations, d’autres vibrations et d’autres mondes.
Comme il l’a expliqué pendant cette conférence, Thomas Büchi a un parcours très singulier. Ce Thurgovien d’origine est né à Hermance, bourg au bord du lac de Genève venu du Moyen Age avec la tour de son château, ses ruelles étroites et sa forêt alentour, son atmosphère lourde et profonde, situé tout au bout du canton. Son père est un grand artiste, un souffleur de verre qui était «le prince du feu» comme l’a dit le journal «La Suisse» lorsqu’il est mort brusquement, à 49 ans. Existe-t-il des énergies vitales qui s’expriment de manière insaisissable et un peu mystérieuse? Le bois est-il un matériau qui fait ressentir, comme le feu, des émotions profondes?

Aux limites de l’impossible

Thomas Büchi a créé le Palais de l’Equilibre, ce globe terrestre extraordinaire, symbole du développement durable, qui fut le symbole de l’Expo.02 et désormais celui du Cern à Genève. Il a créé la «Broken Chair», devant le Palais des Nations Unies, à Genève, qui symbolise la lutte contre les mines antipersonnel et, plus généralement, contre les atteintes aux droits de l’homme. Il a imaginé et construit le Refuge du Goûter, sur le Mont-Blanc, à 3835 mètres, un bâtiment absolument extraordinaire et totalement écologique, aux limites de l’impossible, qui surplombe le vide absolu. Thomas Büchi est un créateur, mais aussi un alpiniste qui a gravi le sommet du Cervin et celui du Mont-Blanc, ainsi qu’une trentaine de 4000 mètres, et qui surfe joyeusement entre ivresse des sommets et audace du vide.
Mais pourquoi vouloir conquérir les sommets? Pourquoi mettre et remettre sans cesse sa vie en danger? Pourquoi gravir ces pics de neige et de glace balayés par des vents monstrueux et des froids effroyables? Mais pourquoi créer, dira-t-on. Pourquoi vouloir faire autre chose que ce que tous les autres ont déjà fait? Thomas Büchi n’est pas seulement un créateur, mais un spirituel. Sa passion du bois, c’est la passion de la matière qui se dévoile, qui s’entrouvre, qui veut dire quelque chose. Son œuvre est une quête de sens, une quête de la lumière.

 

Robert Habel

Lire également «La maison spirituelle de Thomas Büchi», Le Journal de l’Immobilier No 3, du 6 octobre 2021; «Thomas Büchi, un pont plus loin», No 30, du 4 mai 2022; «L’Orient en Valais – Centre spirituel a Champéry», No 40, du 13 juillet 2022. Tous nos articles sont disponibles sur www.jim.media