Au XVIe siècle, dans les milieux aisés, l’usage de la chaise percée également appelée «chaise d’affaires» se développa peu à peu.

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culture & nature - Hygiène de jadis

Solutions d’antan et lieux indispensables

16 Août 2023 | Culture, histoire, philosophie

Il est des endroits que l’on fréquente souvent et dont on parle peu, malgré une longue histoire et une utilité incontestable.

Dans la Bible (Deutéronome Chap. XXIII,13-15), on peut lire concernant les besoins naturels: «Tu auras un lieu hors du camp (…). Quand tu iras t’accroupir à l’écart, tu creuseras…». Dans l’Antiquité grecque, puis romaine, de nombreux progrès furent accomplis. A ce propos, contrairement à ce qui est souvent affirmé, ce n’est pas l’empereur Vespasien qui fut l’inventeur des urinoirs publics appelés «vespasiennes». Il se borna à instituer une taxe sur les urines – «Pecunia non olet – L’argent n’a pas d’odeur -, d’où cette appellation.
Les Romains utilisaient aussi des sortes de pots de chambre appelés matulae. Au Moyen Age, des pots de chambre en terre équipaient la plupart les logis citadins, tandis que les premières «chaises percées» faisaient leur apparition. Cependant, le gros problème restait l’évacuation des déchets. A cet égard, la pratique la plus commune dans les villes était le «tout à la rue». On lançait par la fenêtre les pots de chambre remplis d’eaux usées, en ayant parfois l’amabilité de crier «gare dessous!» ou «gare à l’eau!» (un euphémisme). D’innombrables édits furent promulgués dans toute les villes européennes, du XIIe au XIXe siècles, pour défendre aux habitants de jeter les «ordures, urines, eaux infectes et corrompues» par les fenêtres, mais sans grand effet. En revanche, les monastères et certaines demeures seigneuriales furent très tôt équipés de latrines avec écoulement.

Les chaises d’affaires

Dans les milieux aisés, l’usage de la chaise percée également appelée «chaise d’affaires» se développa peu à peu. A cette époque, il n’y avait aucune honte à se montrer dessus en compagnie de visiteurs. Par exemple, à Versailles sous Louis XIV, l’étiquette de la cour prévoyait pour les courtisans les plus méritants le droit de voir et de parler au roi lorsqu’il se trouvait sur sa chaise d’aisance (on parle de «brevet d’affaires», mais l’appellation est contestée).
Bien plus tard, en 1785, Voltaire, qui souhaitait équiper son intérieur d’une jolie chaise percée, demandait à son intendant de lui en procurer une. «Mon cul est jaloux de la beauté de mes meubles», écrivait-il malicieusement. Vers la fin du XVIIIe siècle, les nouveaux immeubles étaient généralement équipés en moyenne de deux cabinets. Un au rez-de-chaussée ou près de l’escalier, le second au dernier étage habitable. Apparurent également les premiers cabinets pourvus de valves actionnées par un bouton de tirage. L’appareil, composé d’une cuvette recouverte d’un siège, s’alimentait en eau au moyen d’un réservoir placé au dernier étage et branché sur une tubulure de plomb. Un tuyau de décharge reliait cette chaise à la fosse d’aisance située à la cave.

Niches pudibondes

Quant aux latrines publiques, il n’en existait quasiment pas en Europe au XVIIIe siècle. Le promeneur embarrassé pouvait parfois trouver au coin des rues des «barils d’aisance», mais le plus souvent, il se contentait des jardins publics ou de ruelles obscures (ce qui, dans nos villes du XXIe siècle, paraît malheureusement revenir à la mode). Seule l’Angleterre possédait quelques latrines publiques. A ce propos, Swift (l’auteur de Gulliver) émit un projet de société par actions qui se proposait de construire 500 latrines. Le contenu des fosses devait procurer des revenus (engrais), faisant ainsi monter les actions de la société.
C’est au XIXe siècle que se développa la construction d’urinoirs publics, appelés aussi «niches pudibondes». Autour de 1860, la plupart des pays européens obligèrent les débits de boissons à se doter d’un urinoir intérieur ou extérieur, tandis que le siège en bois ciré s’imposait définitivement sur les cabinets. Les appartements bourgeois commencèrent à être largement pourvus de «lieux privés» dotés du système anglais à effet d’eau ou «garde-robes hydrauliques» (water closets ou WC). Les modèles perfectionnés possédaient deux arrivées d’eau. L’une évacuait et nettoyait la cuvette, l’autre provoquait un jet vertical appelé «jet de propreté» (il existe toujours en Orient et en Extrême-Orient). Quant au pot de chambre, désormais en porcelaine, il restait bien présent et l’est d’ailleurs toujours chez certains de nos contemporains.
L’attitude de la société concernant les besoins naturels varia beaucoup suivant les pays et les époques. Ainsi, dans la Russie tsariste, il était très inconvenant de s’éclipser… il fallait se retenir. Après la Révolution de 1917, le nouveau pouvoir bolchévique, ne laissant aucun aspect de la vie des futurs citoyens soviétiques au hasard, mena une lutte impitoyable contre cette retenue bourgeoise et publia une affiche où l’on pouvait lire ceci: «Un instant de gêne compromet la santé pour des années».

 

Frédéric Schmidt