Slawosz Uznanski.

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La Suisse lève les yeux au ciel

Slawosz Uznanski, l’astronaute romand du CERN

19 Avr 2023 | Culture, histoire, philosophie

Ils étaient 22 523 aspirants venus de toute l’Europe, dont une trentaine travaillaient au CERN. Une année plus tard, ils ne sont que 17 élus, dont deux Genevois et un Bernois. Une telle densité d’astronautes de l’Agence spatiale européenne (ESA) est unique à la Suisse – et particulièrement aux rives du Léman. Rencontre avec Slawosz Uznanski, ingénieur électronicien au CERN, spécialisé dans la conception des systèmes spatiaux, retenu parmi les onze astronautes de réserve.

Les médias lémaniques ont présenté Raphaël Liégois, Genevois d’adoption, enseignant à l’Université de Genève et collaborateur scientifique à l’EPFL. Il est l’un des cinq astronautes titulaires annoncés le 22 novembre dernier par l’ESA. A côté de ces cinq élus, l’ESA a sélectionné onze astronautes remplaçants, dont un second «Genevois»: Slawosz Uznanski, que les médias locaux n’ont pas semblé remarquer jusqu’ici.
Est-ce un signe de venir au monde un 12 avril, date du vol de Youri Gagarine en 1961, premier vol spatial habité et jour choisi par les Nations Unies comme Journée internationale du vol habité? Slawosz Uznanski, né à Lodz, en Pologne, le 12 avril 1984, y croit. Devenir astronaute est pour lui un rêve d’enfant: «A chacun de mes anniversaires, ma mère me souhaitait un joyeux Jour des cosmonautes», se souvient-il.

«J’aurais aimé participer à la précédente sélection d’astronautes, en 2008, mais j’étais trop jeune et la Pologne n’était pas membre de l’ESA. Je ne pouvais donc pas me présenter. Quand une nouvelle sélection a été annoncée en 2021, je n’ai pas hésité. Les humains sont des explorateurs; les limites me fascinent, que ce soit en bateau à voile, à la montagne ou dans l’espace», affirme cet ancien membre de l’équipe nationale polonaise de voile, qui ne compte plus non plus les 4000 mètres qu’il a gravis dans les Alpes.

Slawosz Uznanski avec l’équipe du CERN.

Ne pas avoir peur de ses aspirations

A l’écouter, les applications spatiales en orbite basse ont connu d’importantes avancées technologiques depuis quinze ans. Les perspectives sont encore plus excitantes avec le projet Artemis de la Nasa, qui veut envoyer à nouveau des humains sur la lune, puis sur Mars, avec l’appui de l’ESA. «Je rêve d’aller au-delà des orbites basses, il ne faut pas avoir peur de réaliser ses aspirations; au contraire, il faut constamment apprendre et aller de l’avant».
Le CERN attire des scientifiques de pointe du monde entier. Rien d’étonnant dès lors à ce que les aspirants astronautes aient été nombreux au sein de son personnel, en 2008 comme en 2021. Slawosz Uznanski estime à une trentaine au moins le nombre de candidatures émanant de ce centre en 2021. Mais si le CERN est connu pour explorer l’infiniment petit à travers ses accélérateurs souterrains, sait-on que la plus grande expérience qu’il ait jamais conduite hors de ses murs gravite à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes?

Arrimé à la station spatiale internationale (ISS) depuis 2011, le spectromètre magnétique alpha (AMS-02), conçu et construit à Genève, scrute les particules cosmiques, dont la majorité proviennent de l’extérieur du système solaire, à la recherche de traces d’antimatière et de matière noire, avec – qui sait? – un prix Nobel à la clef s’il en découvrait. Comme le boson de Higgs, dont l’existence a été postulée en 1964 mais qui n’a été observé qu’un demi-siècle plus tard, au CERN, la matière noire reste pour l’heure une hypothèse. Elle mobilise la communauté scientifique au point que les données transmises par AMS à la salle de contrôle à Prévessin sont partagées pour analyse avec 56 universités et centres de recherche dans le monde.

Une balade dans l’espace

Une mise à jour du détecteur de particules d’AMS est prévue en 2025, afin d’en augmenter la résolution. Slawosz Uznanski rêve d’être celui qui fera la sortie dans l’espace pour changer le capteur vieillissant. Docteur en conception des systèmes électroniques pour les applications spatiales, responsable de 2018 à 2020 de l’exploitation du plus grand accélérateur du CERN, le LHC, professeur dans le domaine de la fiabilité des systèmes pour l’industrie spatiale, familier de l’expérience AMS, Slawosz Uznanski glisse à demi-mot qu’il pense «cocher toutes les cases».
Dans l’espace, comme sur terre, cependant, la politique et l’argent s’invitent à la table des discussions. La Pologne a aujourd’hui rejoint l’ESA, mais sa contribution financière limitée restreint les chances de Slawosz Uznanski de voyager un jour dans l’espace. Il a sillonné son pays afin de convaincre les responsables des bénéfices de l’éducation, de la science et de la technologie. Les applications spatiales sont un domaine industriel en pleine croissance et le retour sur investissement des fonds publics qui y sont engagés est de l’ordre de cent pour un, assure-t-il.
Dans le temps libre qu’il lui reste, il navigue encore sur le Léman et enseigne la voile au Yachting club du CERN, quand il n’est pas en quête de sommets. «Genève est idéale pour le sport et la science», souligne-t-il. Son sort en tant qu’astronaute se joue pourtant dans une capitale située à 1500 kilomètres des rives du lac: Varsovie. 

Cesare Accardi

GROS PLAN

Beaucoup d’appelés, peu d’élus

 

Des 22 523 dossiers de candidature reçus par l’ESA en 2021, 668 provenaient de Suisse. Abstraction faite de la démographie des 25 Etats membres, la Suisse se place au 8e rang quant aux candidatures. Les femmes représentaient 18% des postulants helvétiques, contre 26% pour l’ensemble des aspirants.
La sélection s’est opérée en six étapes, de juin 2021 à novembre 2022. Seules 1361 personnes ont été invitées aux deux premières phases. Elles ont dû renseigner divers formulaires, notamment médicaux, et ont été soumises durant huit heures à une batterie ininterrompue de tests logiques et mathématiques afin d’éprouver leur rapidité, leur sûreté de décision et leur résistance au stress.
Au terme de ces épreuves, les quelque 400 rescapés ont passé des tests psychologiques. A l’étape suivante, il ne restait plus qu’une centaine de candidats, qui ont subi une semaine de tests médicaux en hôpital. La cinquantaine de «survivants» ont encore dû affronter une dernière série de tests quant à leur résistance au stress et leurs compétences techniques. Un entretien avec le comité de direction de l’ESA a clos le processus.

Quelques ressources en ligne :

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Le Manuel de candidature de l’astronaute :
https://esamultimedia.esa.int/docs/careers/ESA_Astrosel_Handbook.pdf