théâtre - Christian Lüscher au Théâtre de l’Espérance à Genève
«Silence, on tourne!»
Présente-t-on encore Christian Lüscher? Bien sûr que non. Talentueux avocat, brillant politicien élu en 2007 au Conseil National après une carrière municipale (à Troinex) et cantonale (six ans au Grand Conseil), l’ancien vice-président du PLR suisse a aussi frôlé l’élection au Conseil fédéral, retirant sa candidature lorsque le Neuchâtelois Burkhalter l’avait dépassé en nombre de voix. Il se prépare à quitter le «meilleur fauteuil du Parlement» (hérité du Valaisan Germanier, le siège en haut des travées PLR, «près de la sortie») et va jouer sur scène dans «Silence, on tourne», au Théâtre de l’Espérance, du 9 au 25 novembre.
– Christian Lüscher, seriez-vous insatiable? Vingt-cinq ans de politique active, quatre enfants, une trajectoire plus qu’enviable au Barreau… Et vous vous ruez à nouveau sur les planches, après plusieurs Revues libérales et autres pièces mémorables comme les «Onze petit nègres» et «Le Bossu» ?
– Objection, votre Honneur: je n’ai rien demandé, en l’occurrence! Claude Wille, qui met en scène cette pièce avec Bernard Del Piano, m’a contacté et expliqué que le Théâtre de l’Espérance, que tous les comédiens amateurs adorent, fêtait ses 150 ans et que trois pièces seraient programmées, avec pour chacune la participation active d’une personnalité genevoise. J’étais pressenti pour la première, «Silence, on tourne!», de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras. Je lui ai tout de suite répondu que c’était impossible, car j’avais prévu un séjour de plongée dans l’océan Indien après mon départ de Berne.
– Et alors?
– Il m’a dit que cette réponse ne lui convenait pas et qu’on allait simplement organiser les répétitions avant mon départ. Et je me suis retrouvé à répéter à fond, y compris le week-end.
– Une formalité, pour un politicien et un plaideur…
– Détrompez-vous, c’est au contraire un vrai risque, un déplacement «hors de sa zone de confort», comme on dit. J’adore me mettre en danger. Quand vous parlez au Conseil National, ou quand vous plaidez, vous décidez quand commencer, quoi dire et quand terminer. Au théâtre, vous devez tenir votre rôle et dire votre texte avec exactitude. Parfois, et je l’ai vu sous la houlette du regretté Pierre Naftule, huit personnes dialoguent en une minute, le gag est à la fin et si vous ratez votre réplique, par exemple la deuxième de la série, vous fichez en l’air toute la scène. En fait, je travaille beaucoup plus que les autres acteurs, parce je viens de l’extérieur et que je n’ai pas leur talent. Comme en plongée ou en montagne, je suis toléré dans un environnement qui n’est pas le mien.
– Mais enfin, il y a bien une part de théâtre dans la politique!
– Il y a des points communs: le verbe, la nécessité de convaincre – de ses idées ou de son personnage – et la nécessité d’être crédible.
– Vous n’improvisez donc jamais?
– Jamais! Quand on joue, c’est au millimètre. Si le texte dit «Ah oui !», on ne peut pas dire «Oui» ou «Ah ouais!».
– La politique fédérale exige un engagement important: séances, sessions, trajets, séjours à Berne, déplacements, travaux, étude… Ne risquez-vous pas de vous ennuyer, une fois les représentations de la pièce terminées?
– La nature, surtout la mienne, a horreur du vide. Je travaille à plein temps, j’essaie d’être plus présent pour ma famille, je fais du sport… quant au théâtre, je me contente de saisir l’occasion et j’en profite à fond.
– Une fierté et un regret, après cette carrière politique bernoise?
– Je suis heureux d’avoir apporté un modeste concours à des votes de bon sens dans mes domaines de prédilection: l’accès à la justice, la sécurité, la liberté économique notamment. J’ai présidé la Commission de l’économie et des redevances, vue comme l’une des plus prestigieuses – pourquoi, je l’ignore – durant la pandémie de Covid. Je quitte le Conseil National avec le sentiment d’avoir fait de mon mieux, et sans m’accrocher à mon siège comme certains vieux mâles de gauche qui prônent la limitation des mandats dans le temps, sauf pour eux, et qui empêchent un rajeunissement et une féminisation du Parlement.
Propos recueillis
par Vincent Naville
Théâtre de l’Espérance
8, rue de la Chapelle, Genève.
Du 9 au 25 novembre, le jeudi à 19 h.,
le vendredi et samedi à 20 h.
Matinée le samedi à 14 h. 30.
Billets en vente au Service culturel Migros, au Stand info Balexert et à la caisse du théâtre.
Billets en ligne: www.theatre-esperance.ch