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événement - De passage à Convergences

Roselyne Bachelot n’a pas changé

15 Mar 2023 | Culture, histoire, philosophie

«Elle a morflé, la Spice Girl»: Roselyne Bachelot assure avoir entendu cette phrase marmonnée dans son dos lorsque huit ans après avoir abandonné la vie politique, l’ancienne ministre de l’Ecologie (sous Chirac) et de la Santé, puis de la Cohésion sociale (sous Sarkozy), est revenue sous les feux de la rampe élyséenne en tant que ministre de la Culture d’Emmanuel Macron. Eh bien! C’était faux, puisque c’est une femme plus jeune que jamais et toujours aussi pétillante, moulée dans un tailleur fuschia vif, qui a parlé à Genève de son dernier livre lors d’une des prestigieuses rencontres de Convergences, l’association animée par Colette Cellerin.

Convergences réussit, grâce à sa dynamique présidente, véritable ambassadrice des écrivains et politiciens français auprès d’un public distingué où se mêlent banquiers français et personnalités suisses, à créer régulièrement l’événement. Comme de coutume, c’est notre confrère Richard Werly qui menait l’entretien à bâtons rompus avec l’invitée d’honneur. Laquelle se signala vite comme une championne de la frappe efficace de micro, l’ustensile fourni par le Parc des Eaux-Vives se montrant capricieux, mais sensible à la poigne de la ministre. Roselyne Bachelot, dans «682 jours» – la durée exacte de son mandat castexo-macronien – raconte comment elle dut manœuvrer avec habileté pour obtenir des budgets, combien elle a découvert de gaspillages institutionnalisés sous l’ère Jack Lang – les amis socialistes venant demander 100 000 euros de subvention et en obtenant 400 000 – ou l’arrogance d’artistes donneurs de leçons et persuadés que le soutien du Ministère était bien la moindre des choses que la France pouvait faire pour rendre hommage à leur génie.

Politicienne-née

Tombée toute petite dans la marmite politique – elle a assisté à 11 ans à la fameuse conférence de presse du général De Gaulle de 1958, où elle accompagnait son père, le résistant et politicien gaulliste Jean Narquin  -, Roselyne Bachelot ne cache pas qu’en passant des Chirac, Séguin, Juppé, Pasqua ou Barzach à Damien Abad ou Christian Jacob, elle a eu la fâcheuse impression que le mouvement héritier du gaullisme avait chuté de plusieurs étages. Elle qui a traversé la crise de la grippe H1-N1 et subi les moqueries de ceux qui estimaient inutiles les achats de masques (on sait ce qui se passa ensuite) se dit peinée de constater que le peuple n’a plus d’admiration pour les femmes et les hommes politiques. «Le lit de Procuste des institutions condamne les élus à agir d’une certaine façon, note-t-elle, mais les convictions et l’adhésion populaire sont indispensables». Roselyne Bachelot espère cependant que «les espaces politiques l’emportent sur les espèces politiques».

Femme d’action

Le livre de la ministre redevenue chroniqueuse de radio et de télévision et écrivain (on se souvient de son émouvant «Corentine», paru chez Plon/Pocket et retraçant la vie extraordinaire de sa grand-mère bretonne) ne se contente pas de régler quelques comptes: cette femme pleine d’humour en rend aussi et tire le bilan de sa carrière.
Malicieux comme à son accoutumée, Richard Werly lui demande son avis sur Chirac, qu’elle adore même s’il l’a entraînée à un assommant championnat de sumo; sur Sarkozy «qui ne l’a jamais lâchée»; sur Macron enfin «qui reste un mystère». Très active sur le front de l’humanitaire et du caritatif, Roselyne Bachelot estime que certains «rentiers de la culture gavés et ingrats» et quelques «élus locaux qui s’attribuent les succès et rejettent les échecs sur Paris» devraient se rappeler que «la politique rapporte surtout des injures et des mises en cause, mais permet de défendre ses idées et d’agir pour le bien commun tandis que souvent, tout autour, les gens râlent en ne faisant rien». 

 

Thierry Oppikofer