La médecine s’occupe-t-elle plus d’égalité genre que de science?

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Quelle est la vraie «Faculté des sciences»?

4 Mai 2022 | Culture, histoire, philosophie

La science a-t-elle connu son âge d’or du temps de Galilée, et depuis lors, perd-elle en audace ce qu’elle gagne en pouvoir? Petit tour des facultés de l’Université moderne, qui chacune se veut plus «scientifique» que l’autre.

L’économie est-elle une «science»? Par certains traits, oui… et peu d’activités se parent autant de chiffres… pas même les maths. Mais à chaque krach se pose la question: sous les plumes des chiffres, y a-t-il du muscle et du coffre? Si on jette un coup d’œil sur les «Nobel» d’économie depuis le début (1969), on n’est pas convaincu: les «découvertes» primées n’ont rien à voir avec celles d’une science «dure»: sans Newton ou Planck, une fusée rate Mars et le courant ne passe pas dans l’iPad. Alors que – depuis trois siècles – l’économie tourne en rond entre Adam Smith et John Meynard Keynes… avec – de temps en temps – un gadget à la mode psycho ou sociale… qui alimente des colloques d’experts aveugles… à ce que «finance éthique» veut dire en temps de guerre: des drones ou des ruches? D’ailleurs, l’histoire des sciences parle en gros d’une voix – sur l’atome ou les fossiles – d’un auteur à l’autre… tandis que l’histoire éco est une guerre de religions. Alors, pourquoi fermer le débat sous la chape de la «science»?

Quand on «fait dire» aux faits

Si l’économie est la science des illusionnistes, les «sciences humaines» sont plutôt au service de ce qu’il y a de plus «humain»: le goût du stupre et du pouvoir. «Sciences de la société»… «science de l’éducation»… bref, toute «logie» est-elle une «science»: «sociologie»… «psychologie»…? Un auteur déçu résume ainsi la sociologie en cours chez les experts de l’appui scolaire: elle «requiert des gens capables de trop peu, vulnérables en tout, mais des sociologues capables de tout et vulnérables en rien». En clair… pour ce chercheur désabusé… la sociologie sert les sociologues plus que la société. La somme de colloques et revues – en psychologie comme en sociologie – parle certes pour leur «scientificité»… mais en «logie», les arbitres sont juge et partie. Pour la «logique », il faut le recul de Sirius: un congrès de «psychologie humaniste» tenu à Genève au siècle passé a «fait la roue» de toutes les théories magiques de l’époque… qui ont disparu sans laisser de trace. Pis, dans le cas des «psychanalystes»: est-ce le pur goût de la science qui motive les candidats? Dans une enquête menée jadis aux Etats-Unis, un tiers des psy avouaient avoir flirté avec leurs patientes… et la Ville Lumière a vécu pendant des lustres à l’ombre d’un Jacques Lacan.

Qu’en penserait Socrate?

Passons aux lettres: nul doute qu’un lettré en sache long, mais cela fait-il de la fiction, de la philo ou de l’histoire une «science»? A l’inverse de la science au sens ordinaire – où on devient doyen après avoir trouvé en labo -, les profs de lettres ne sont pas souvent des auteurs à succès… et les historiens ne durent que le temps de presser le jus des archives qu’ils ont mis au frais. Quant à la philosophie, celle qui domine à Genève est «analytique» voire «ayatollique»: de quoi cerner des sujets durs, certes… mais aussi – lequel des deux est le but? – de quoi «se donner des airs». A Genève, la linguistique aussi a une tradition d’abstraction, sauf quand elle étudie le «Non», mot le plus significatif de toute langue (au point que le latin ne sait pas dire «Oui»). Mais nos linguistes se sont mis sans complexe à la Faculté des sciences, pour le meilleur et pour le pire. Alors venons-en à la théologie: «Vous qui êtes croyant…», dis-je un jour en croisant un prof… «Qu’en savez-vous», répondit ce théologien! Sachant n’être pas prise au sérieux, cette faculté fait souvent un effort d’ouverture intellectuelle et de rigueur historique qui lui vaut parfois un succès populaire à la télé… en archéologie biblique. A plus forte raison dans sa chaire «interfacultaire» d’histoire des religions, les débats peuvent être décoiffants, comme celui-ci: «Enseigner l’histoire des religions à l’école», qui vient de se tenir (mais qui n’a pas été annoncé dans l’agenda de l’Unige car «pas aux normes académiques»). Bémol: peut-on oublier qu’à la Faculté de théologie, on discute aussi de la guérison par imposition des mains, au moment où la Faculté des sciences pourchasse les «fausses sciences»?

La cuisine est-elle une science?

Et la médecine? Sa faculté aussi fait une place depuis peu au chamanisme et autres savoirs «alternatifs»… mais on a assez fait son procès avec la pandémie, alors passons au droit. Quand on écoute les joutes «Berryer», on se dit «enfin de gens qui voient les angles aigus dans les mots là où les militants des droits sont obtus»… ce qui n’est pas toujours le cas à la Faculté de traduction. Mais à nouveau, la «science» juridique mérite-t-elle ce label? Elle ne sera jamais à court de questions à discuter, mais elle fait parfois penser à l’horaire des trains: chaque nouvel horaire lance des débats cruciaux, mais les chiffres de l’horaire, est-ce de la science mathématique ou de l’arbitraire bureaucratique? A nouveau, c’est une métaphore, mais qui vaut dans certains cas pour la… Faculté des sciences elle-même. Certes, on est là dans la forteresse de la «ie»… «logie»… «ique»: chimie, astronomie, botanique, géologie… du savoir solide comme le béton, pointu comme l’acier, clair comme le verre, prouvé comme les «flags». Avec des profs incollables, mais… si la science est juste de l’érudition, rien ne battra le professeur Elsevier. Est-ce par hasard que le grand physicien Enrico Fermi était justement ami d’un homme connaissant par cœur tous les horaires de train… sinon les logarithmes. Et l’informatique, venue tard à l’Université, ressemble parfois plus à de la cuisine qu’à de la science.

L’ouverture dans le plus grand secret

Seule la «science» donne des passe-droits, dans notre société égalitaire: dès qu’on s’en affuble, on est pris au sérieux; et si on se réclame de la «transparence», on a les mains libres pour œuvrer dans l’ombre. La brave association française «Sciences citoyennes» vient de tenir son assemblée générale: faible d’une vingtaine de personnes… mais forte de slogans populaires: non à Monsanto, à bas Pfizer, honte à Areva. Et ces jours, l’Unesco – championne de la «science ouverte» – tenait ses «Geneva Dialogues» dans le plus grand secret! Bref, la science – ou plutôt la vérité – est chose trop vitale pour être laissée aux scientifiques… mais à qui la confier alors? Sans le vouloir, ce sont les «sciences économiques» – la boucle est bouclée – qui donnent un bout de réponse: une thèse (mt180.ch) dit que pour la Bourse, le public en ligne voit plus juste que les experts en banque. Et si c’était vrai de toutes les «sciences»… hormis – à la rigueur – en physique du solide?.

 

Boris Engelson