Un jeune homme déjà brillant et plein d’avenir.

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Léon Savary, écrivain et journaliste

Parfois oublié, toujours retrouvé

20 Oct 2021 | Culture, histoire, philosophie

Si la personne de Léon Savary (1895-1968) est souvent méconnue de nos contemporains, son œuvre, parfois republiée, confirme qu’il fut une plume redoutée, un écrivain classique, un polémiste courageux. Portrait sans retouches d’un grand de la littérature et de la presse suisse romande et principalement genevoise.

«Vaudois de la Broye comme son nom l’indique, né en 1895 à Fleurier, dans le canton de Neuchâtel, Fribourgeois d’éducation, Genevois et Bernois dans l’exercice de sa profession, Veveysan à son retour de Paris, puis Gruérien de domicile, Léon Savary a aussi été un fervent admirateur de l’Abbaye de Saint-Maurice, en Valais, et du Rassemblement jurassien. Aldo Dami a vu en lui «une synthèse originale de la Suisse romande – opposée, fort heureusement, à toute la tradition moralisante d’un pays où, justement, les écrivains étaient tous fils de pasteurs». «Il a fait mentir Ramuz, pour qui on ne pouvait être que d’une région», relève avec beaucoup d’à-propos l’historien Jean-Philippe Chenaux. Savary, l’anti-Ramuz? Oui, bien que fils d’un pasteur et d’une aristocrate balte, qui lui préfère son frère, ce qui sera la première blessure d’une vie qui en connaîtra plusieurs.

Une longue activité journalistique à Genève

Converti au catholicisme à dix-huit ans, après ses études au Collège St-Michel de Fribourg, Léon Savary se lance dans des études de lettres et dans une collaboration avec les quotidiens «La Liberté» et «La Tribune de Lausanne». Après sa licence, il s’installe à Genève où il rejoint la société d’étudiants de Belles-Lettres, qui jouera un grand rôle dans sa vie et éditera ses œuvres maîtresses en 1978. Une nouvelle blessure l’atteint à Genève: Léon Savary est condamné à trois mois de prison pour calomnie, payant pour un article satirique concernant le conseiller d’État fribourgeois Ernest Perrier… qu’il n’a pas écrit. Après avoir été rédacteur en chef du «Genevois», Léon Savary entre en 1923 au service de «La Tribune de Genève», qu’il ne quittera qu’en 1956, après y avoir été chroniqueur judiciaire et littéraire, billettiste, correspondant à Berne puis à Paris, de 1946 à 1956. Il y présida l’Association de la presse étrangère.
Marcel Raymond remet à Léon Savary, auteur d’une vingtaine de livres dans lesquels il décrit admirablement les milieux de son époque, le Prix Schiller en 1960 en disant: «Vous écrivez naturellement bien dans un pays où l’on écrit naturellement mal». Car Savary, c’est avant tout un style libre et classique, une plume qui caresse et frappe selon le genre littéraire qu’elle sert: romans, poèmes, billets, articles, chroniques. Charles-Albert Cingria dira de Savary que c’est «de l’eau de roche qui coule sous les fougères». De Genève, où il vécut la plus grande période de sa vie, il écrira dans «L’âme de Genève»: «Ce qui est vrai de Genève, c’est qu’une certaine indulgence, éminemment française, ou plutôt latine, y est entrée dans l’usage, pour tout ce qui touche à la vie privée. Il ajoutera: Si Genève devenait française, elle ne serait plus qu’une préfecture», soulignant qu’elle est solidement attachée à la Suisse en raison de son choix de l’indépendance, mieux sauvegardée dans la communauté helvétique qu’elle ne le serait ailleurs.

Léon Savary: un des rares authentiques Romands.

Une œuvre protéiforme

Même s’il est relativement facile de se procurer chez les bouquinistes la plupart de ses œuvres, certaines d’entre elles ont été rééditées ces dernières années, «Le Cordon d’argent» à l’Age d’Homme, et le pamphlet «Voulez-vous être conseiller national?» aux Éditions Faim de siècle, dans lequel il invite le candidat Trublet à se contenter de siéger: «C’est tout ce qu’on vous demande. Pas besoin pour ça d’un cerveau. Le cul est très suffisant». Il meurt le 17 février 1968, sans doute accompagné par une légion d’anges tirée de son livre «Les anges gardiens», traité de l’amitié où l’ange est «l’image de l’ami parfait que nous avons cherché et que nous n’avons pas trouvé». Puissions-nous retrouver Léon Savary dans son œuvre immortel (*).

 

Laurent Passer

 

(*) L’Académie française et Littré indiquent qu’«œuvre» était autrefois du masculin et peut le rester dans certains cas choisis, lorsqu’il s’agit d’un ou plusieurs livres dont on souhaite souligner la qualité. (Réd.)