LECTURES
Notre sélection d’été
«C’est ma juge», Souvenirs majeurs d’une juge des mineurs, par Fabienne Proz Jeanneret.
Editions Slatkine, 182 pages.
Comprendre les mineurs qui dérivent
La justice des mineurs est tout sauf une justice mineure: voilà ce que l’on comprend lorsqu’on découvre, page après page, le quotidien public et privé d’une juge pour enfants genevoise, Fabienne Proz Jeanneret. Durant vingt-sept ans, elle a officé comme juge de la protection de l’enfant, puis comme juge pénale des mineurs. «C’est ma juge», qui date de 2023, prend une troublante actualité à l’heure où la violence des mineurs semble s’accroître, les rixes entre bandes et les agressions gratuites se multiplier et l’âge des auteurs comme des victimes relever davantage de l’enfance que de la délinquance mature. Rédigé avec talent, cet ouvrage se lit comme un roman et ouvre des perspectives aux adultes, confrontés ou non à ces tristes situations.
«Balades sensationnelles», par Patricia Brambilla,
Editions Favre, 192 pages.
Balades hors du commun
Panoramas grandioses, itinéraires sportifs, lieux permettant de se ressourcer: Patricia Brambilla, journaliste et randonneuse émérite, et Laurent de Senarclens, photographe, ont trouvé en Valais, en Haute-Savoie, en pays de Vaud et en pays de Fribourg de quoi vous apporter un sain exercice, des vues à couper le souffle, des sites qui vous offrent de le récupérer, en bref vingt-huit randonnées pour chacun et pour chaque saison. Nature, architecture, œuvres d’art, animaux et montagnes vous attendent. Un guide à suivre sans crainte: il ne vous mènera qu’au bonheur.
«Echappées suisses», par Fabrice Chapuis et Joëlle Chautems,
Editions Favre, 224 pages.
Quelques échappées
Les deux Neuchâtelois Joëlle Chautems (géobiologue, herboriste, auteur) et Fabrice Chapuis (photographe) paraissent avoir reçu la même inspiration que Patricia Brambilla. Eux, ce sont vingt-neuf sites qu’ils ont retenus, tous situés en Suisse et présentés dans un très bel ouvrage axé sur l’illustration – appuyée de textes subtils et inspirants – et sur la méditation. Pas d’ambition sportive cette fois-ci, mais des rencontres avec le Lägh da Cavloc (Grisons) ou le Lac de Tseuzier (Valais), la Combe du PIlouvi (Neuchâtel-Berne) ou la Tine de Conflens (Vaud). Et quelques amis quadrupèdes pour conclure, si vous êtes patients, prévoyez votre séance zen: chamois ou lynx feront peut-être une apparition.
«On n’a pas fini d’en parler!», par Dominique Mataillet,
Editions Favre, 264 pages.
Cette incroyable langue française
L’ancien rédacteur en chef de «Jeune Afrique» Dominique Mataillet est un passionné de langue française. Les subtilités et les bizarreries, les étymologies, les néologismes et les expressions locales l’amusent et il en fait avec «On n’a pas fini d’en parler!» un tableau coloré et fascinant. «Aller au fleuve», en Centrafrique, veut dire «aller faire ses besoins», mais au Sénégal, «faire ses besoins» signifie simplement vaquer à ses occupations. Au Congo, «fréquenter» veut dire aller à l’école. Nombre de définitions de mots rares mais amusants valent vraiment le détour! Bref, ce dictionnaire qui n’en est pas un fait preuve d’une nitescence bienvenue.
«Les pharaons noirs – Une histoire de la Nubie», par Charles Bonnet,
Editions Favre, 216 pages.
Les pharaons du Soudan
Charles Bonnet, archéologue cantonal de Genève, a dirigé la mission archéologique suisse, française et soudanaise de Kerma-Doukki Gel durant des décennies. En 2003, il a découvert les superbes statues des pharaons noirs, montrant aux éventuels sceptiques que le Soudan avait fondé une civilisation rivale, puis dominatrice de l’Egypte (les pharaons noirs ont régné de 700 à 600 avant Jésus-Christ). Cet ouvrage qui couronne la carrière de ce grand scientifique, intitulé «Les pharaons noirs – Une histoire de la Nubie», se lit comme un roman vrai sur une terre trop souvent considérée comme dangereuse, tourmentée et sans intérêt. Urbanisme, guerres de conquête, complots: on referme ce livre en rêvant de Thoutmosis et de Taharqa.
«La langue de l’ennemi», par Garance Meillon,
Editions L’Arpenteur, 188 pages.
Eléments de langage
Terrifiant et – espérons-le – pas trop prophétique: Garance Meillon nous propose, avec «La langue de l’ennemi», un roman mettant en scène une petite famille française tout à fait rassurante au premier abord: Romain, Emma et leur petite Roxane, âgée de trois ans. Peu à peu, le travail intensif et stressant de Romain le conduit à fusionner en lui les personnalités du père, du mari et du communicant. Il ne parle plus vraiment, il aligne des «éléments de langage» et semble en osmose avec son téléphone portable davantage qu’avec son épouse et sa fille. On est ici face au vrai problème du siècle: une sorte de discours normatif puissant et stérilisant. A lire attentivement, pour nous qui savons encore lire…