Une curiosité de la Genève Internationale: en ce lieu-là, on parle de tout sauf de tout… ça!

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Ne faites pas d’histoire!

9 Mar 2022 | Culture, histoire, philosophie

Comment ne pas en parler… comment en parler? Immobilier ne veut pas dire immobile… mais plutôt prendre de la hauteur… pour ne pas rester bloc de pierre. Bref, comment parler de guerre et paix, quand – avant le saut du Rubicon – on avait prévu pour ce numéro un texte sur la justice des salaires? Réponse toute trouvée: cinq jours durant début novembre, la Genève Internationale a entonné le cantique «toute guerre est fruit de l’injustice» (gpplatform.ch).

Quand on suivait la chose en ligne, on n’en croyait pas ses oreilles… alors le soussigné est allé au pas de course à la Maison de la paix pour vérifier les dires… et trouver des cas probants. «Que la guerre soit fruit de l’injustice… vous en doutez, vous voulez des exemples… pas besoin de chercher midi à quatorze heures: la guerre en Afghanistan!»…. et d’ajouter «Ben… c’est l’effet des injustices envers la femme… pas vrai?». Bigre, alors quelle injustice prétend réparer Moscou ces jours… châtier les ingrats? Qui a vu à «Maïdan» en 2014 la Ministre des affaires étrangères de l’Europe – Catherine Ashton – pousser à l’émeute… alors qu’elle avait fait carrière dans une agence financée par Moscou… se dit que l’Europe n’a que ce qu’elle mérite. Doit-elle pour autant boire la potion mortelle «sans faire d’histoires»?

Qu’y a-t-il dans un trou noir?

L’Europe vue de Tachkent est «un peuple de moutons»… vue de Moscou, «une nation de cyclistes gays»… de Pékin, «des enfants gâtés bercés par la paix des droits». Gardons-nous de donner raison aux fauves: un récent colloque sur les nouveaux régimes autoritaires – à la Maison de la paix – ne ciblait que l’Amérique latine, la Hongrie, la Pologne, la Turquie, la Syrie et… la France; et plus encore «le néo-libéralisme» et le «genre»! Dans son programme initial, le Festival du film (…) sur les droits humains (fifdh.org) avait oublié l’Ukraine… lacune comblée en dernière heure. Et à la Place de Neuve, c’est le Groupe pour une suisse sans armée qui donna le ton de la «solidarité», faute de position claire à «droite». Pourtant, dans ce nouveau monde né ces jours, les meilleurs «lanceurs d’alerte» furent… les services secrets; et les firmes les plus «solidaires» sont celles qui font des armes. Paradoxes gênants qui – dans tous les milieux «engagés» – ont fait regarder du mauvais côté, jusqu’à ce qu’un gong sorte les noceurs de leur ivresse comme dans le film de Fellini «Prova d’orchestra».

Justicier ou revanchard?

Retour aux guerres «justes»: des massacres de l’Ere Glaciaire à la Première Guerre mondiale en passant par les Guerres médiques et puniques ou celles de Cent ou Trente ans, on serait en mal d’en trouver causées par «l’injustice» sociale; à la rigueur, par des rancœurs tribales. On a certes dit que la Deuxième Guerre était due à un Traité de Versailles inique, mais pourquoi alors Hitler s’en prit-il à la Pologne? Mettre fin aux abus coloniaux fut bien le but des guerres de libération dans l’Après-Guerre, mais les plus grandes colonies ont eu gain de cause sans guerre: en Inde, le massacre est venu après. Lors d’un débat sur l’Ukraine jeudi à la Maison de la Paix, une étudiante a reproché au panel son «deux poids, deux mesures» qui passait les invasions américaines sous silence. Mais pour trouver le cas d’un pays «démocratique» envahi par les Yankees, on doit remonter au Guatemala des Années Cinquante, ou – sans invasion – au coup d’Etat au début des Années Septante au Chili. Et encore, près de la moitié des Chiliens viennent de voter pour l’émule de Pinochet… Une partie de l’opinion blâme en outre les Etats-Unis pour leurs frappes aériennes à Belgrade en 1999. Pour autant, le «Yankee go home» ne peut tenir lieu de justice: «l’anti-américanisme ne vaut pas mieux que l’anti-soviétisme» admet un militant rouge qui en est revenu…

Justice militaire ou religieuse?

On dit que les guerres de religion sont au fond des guerres sociales… mais l’inverse est aussi vrai: l’analyse de Poutine – dont le prénom veut dire «maître du monde» – est empreinte de messianisme. Le Patriarche de Moscou a traité de «forces du mal» ceux qui n’ont pas plié devant la Russie… au point que le patron du Conseil œcuménique – lui aussi pope – le prie d’œuvrer plutôt pour la paix. Quand la Geneva Academy met en valeur les icônes lors d’une récente soirée de droit de l’art, elle joue donc avec des explosifs. Par chance, le Premier ministre d’Israël est en position de donner un bout d’auréole à toutes les parties, même celle dénoncée comme «fasciste».

S’il y a un après…

Si nos pays – même après la pandémie – sont rodés à une guerre atomique ou chimique… on peut en douter. Est-ce à dire que l’Occident soit moribond et que les fauves aient gagné la guerre… même morale? Pas si l’Europe cesse de se raconter des histoires… sent qu’elle doit rentrer dans l’histoire… pour voir enfin les choses en face. Anthony Blinken – le ministre américain – a tout appris de l’Europe… et malgré «Me too», «Equilibrium» – film produit par l’immonde Harvey Weinstein – est un chef d’œuvre qui prend le flambeau à l’Europe. Alors, si on veut se donner une dernière chance, on devrait – de Minsk à Vladivostok – cesser de «refaire» l’histoire. Et à l’Ouest, dire un «projet commun» apte à faire rêver à leur tour les jeunes Russes et Chinois. Une fois que leurs aînés seront dégrisés de leur nouvelle gloire, les cadets – s’il y a encore vie sur Terre – devront bien trouver «pour quoi vivre». Mais là, nous sommes face à une page blanche… que l’éthique de la vérité – qui a fait la force d’un Occident qui ne sait plus la mériter – seule peut noircir.

 

Boris Engelson