«Dans les brumes de Capelans», d’Olivier Norek. Le livre que Nicolas Feuz emportera en vacances.

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Dans la bibliothèque dE Nicolas Feuz

«Mes vacances sur les vagues du crime»

13 Juil 2022 | Culture, histoire, philosophie

Il a laissé son bureau de procureur à Neuchâtel pour trois semaines, le temps de ses vacances en France, mais il a emporté avec lui, dans sa valise, des livres qui ressemblent à s’y méprendre aux dossiers dont il s’occupe en permanence, dans son travail: des histoires de violence et de meurtre. Juge d’instruction puis procureur depuis plus de vingt ans et écrivain de polar depuis dix ans, Nicolas Feuz est aussi boulimique de lecture que d’écriture.

Il écrit plus vite que son ombre – quatre livres publiés ces deux dernières années, un autre qui paraîtra en novembre, «Les larmes du lagon», qui se passe en Polynésie française – mais il lit aussi plus vite que son ombre. Il lit, il écrit, mais il reste toujours dans le même monde, ce monde qui est le sien depuis plus d’une vingtaine d’années et qui lui colle à la peau pour son plus grand agrément: le monde du crime et de la violence, le monde des gangsters, des violeurs et des assassins.
Nicolas Feuz, à bientôt 50 ans, aime la vie, il a le sourire et le rire faciles, l’humour espiègle et facétieux, mais c’est comme s’il avait conclu une fois pour toutes un étrange pacte avec la mort. La mort brutale et foudroyante, la mort injuste et révoltante. Juge d’instruction à La Chaux-de-Fonds puis procureur à Neuchâtel, il a eu son lot de dossiers douloureux mais, quelque part, fascinants: l’homme qui avait tué sa femme et l’avait découpée en 70 morceaux retrouvés dans son congélateur, celui qui avait poignardé sa compagne, celui qui avait tué un complice sur fond de trafic de drogue…
Mais c’est à croire que tout cela ne lui suffisait pas car, depuis une dizaine d’années, Nicolas Feuz a décidé de découvrir un autre univers, en réalité toujours le même: il écrit des polars. Des histoires de meurtre, des assassinats, des drames, des atrocités, des vengeances, toute une face de l’humanité qu’il connaissait depuis longtemps et qu’il ne cessait de côtoyer dans son bureau au Palais de justice. Les motivations, les souffrances, les ressentiments, les mensonges, les regrets, bref toute la pâte humaine…

Un certain goût pour la mort

Nicolas Feuz rit de bon cœur quand on lui demande s’il n’a pas, comme le disait P.D. James dans le titre d’un de ses livres, «un certain goût pour la mort». En fait, il ne sait pas trop pourquoi ni comment il a commencé de tourner autour du crime, comme magistrat puis comme écrivain. Est-ce que son travail a provoqué sa vocation d’écrivain? Il aimait les polars, c’est sûr, dit-il en y réfléchissant, mais est-ce qu’il aimait vraiment les crimes? On pense à Simenon, qui ne savait pas trop comment ni pourquoi Maigret était né, mais qui n’avait cessé ensuite de vivre avec lui, des décennies durant.
«J’aimais lire des polars, dit Nicolas Feuz, et je me suis demandé un jour si j’arriverais à en écrire un». Il a réussi et ses livres sont de grands succès. Celui qui sera le seizième, «Les larmes du lagon», paraîtra en novembre chez Slatkine et plongera dans les eaux turquoise de la Polynésie française, à peine troublées par les essais nucléaires…
«Certains lecteurs me disent que j’écris trop vite et qu’ils n’arrivent pas à suivre, dit-il, mais ils sont quand même impatients de découvrir le prochain livre. Moi je me suis fixé une règle: je ne lis pas pendant que j’écris un livre. Je lis entre-deux, aussi vite que possible. J’ai pris trois semaines de vacances depuis le 1er juillet et je pars avec mon amie, qui est libraire, pour une virée en France, dans la région d’Arcachon et de la Rochelle. Les vacances sont un moment où je lis beaucoup. Sur les plages, sur les terrasses, à l’hôtel. Et comme mon amie aussi adore lire… J’ai emporté deux livres que je veux lire absolument: «Dans les brumes de Capelans», d’Olivier Norek, un ancien flic français, et «Les promises», de Jean-Christophe Grangé. Ce sont deux auteurs que j’aime beaucoup, même si le second a un peu viré ces derniers temps vers une espèce d’ésotérisme que j’apprécie moins. Chez les auteurs français, je lis aussi Fred Vargas et Karine Giébel, c’est très noir, très violent, très étonnant chez une femme, mais tout cela dégage des émotions très fortes. Frédéric Paulin aussi, qui explique et permet de comprendre la montée du djihadisme en France».
Fan de polars, Nicolas Feuz aime bien sûr les auteurs américains et anglo-saxons: John Grisham, Robert Ludlum, Michael Connelly, Tom Clancy, Ken Follett… Et puis il apprécie les auteurs nordiques, à commencer par Henning Mankell, le père du commissaire Wallander, dont il a lu tous les livres. Stieg Larsson aussi, l’auteur de Millenium, et Jo Nesbø, témoin de ce monde frémissant et souvent violent, mais que l’on croit ordonné et paisible, qui s’appelle la Scandinavie, la patrie des Vikings, des conquérants…

 

Robert Habel