Spectacle «Temps danse et tant dense, chant III» (2003), solo de Monique Décosterd.

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Expérience originale

Les montreurs d’images se racontent

23 Mar 2022 | Culture, histoire, philosophie

Fondé en 1978, le Théâtre Les montreurs d’images publie ses archives: quatre ouvrages, quatre décennies réunies dans un coffret richement illustré. Quarante ans d’aventures théâtrales avec le chapiteau sur les routes d’Europe de l’Est, dans les rues, aux côtés d’associations défendant les droits humains, la sauvegarde de la planète, la paix… La publication mêle adroitement des fragments de voyage, un parcours de vie et le récit d’une implication très forte dans la vie culturelle genevoise. Les plus âgés s’en souviennent. Les plus jeunes découvriront, au fil du recueil, comment le théâtre peut être un lieu où rêve et réalité se confondent.

C’est au ballet du Grand-Théâtre de Genève (sous la direction de Serge Golovine), puis au Bread and Puppet Theater aux Etats-Unis que la danseuse Monique Décosterd fait ses premiers pas dans le monde professionnel. Forte de ces expériences, elle décide, dans les années 1970, de mettre en scène ses propres créations. Avec le compositeur-musicien et sculpteur Marco Jaccoud, elle fonde le Théâtre Les montreurs d’images, une troupe qui se définit alors comme un théâtre mobile. Ses objectifs: sortir du cadre strict de la scène pour aller à la rencontre de l’autre, dans l’espace public, les hôpitaux, les maisons de retraite, les prisons, les foyers d’immigrés, etc. Des créations originales, aux formes légères, voient le jour. Si la danse et la musique y occupent une place centrale, la parole, les masques et les marionnettes géantes viennent apporter une touche unique. Les images sont puissantes, elles résonnent au plus profond de notre être.

Entre itinérance et ancrage

«L’aventure de cette publication a commencé en 2013, explique Monique Décosterd. Elle a connu une route sinueuse jusqu’à la rencontre avec les graphistes Pascale Castella et Vincent Boulas». Avec eux, la danseuse-chorégraphe se met au travail et numérise tout ce qui lui semblait important pour relater la vie du théâtre. «Je souhaitais que chaque livre ressemble à un carnet de voyage, souple et léger, dit-elle. J’ai commencé sous forme de collages, qui sont devenus le support visuel pour la réalisation des premières pages, puis des 1000 autres qui constitueront le coffret».
Monique Décosterd raconte ainsi sa première tournée, en 1981 – avec un bus postal et des tentes – sur les routes de France, d’Espagne et enfin d’Ecosse, au prestigieux festival de théâtre d’Edimbourg. Retour à Genève: l’école des montreurs d’images ouvre ses portes, d’abord dans un loft situé dans l’Ancien Palais des Expositions, puis à la Jonction où elle se trouve encore aujourd’hui. Ses fondateurs ont alors l’idée de construire un chapiteau, inspiré du tipi amérindien. Ce projet se concrétise, grâce à la collaboration d’amis architectes et ingénieurs, d’entreprises locales, et avec l’appui du magistrat municipal de l’époque, Guy-Olivier Segond. La Loterie Romande, Pro Helvetia et des privés apportent leur soutien financier. Avec cet espace de spectacle mobile, la compagnie renforce son identité et peut se déplacer en toute autonomie.
En 1989, un autre rêve se réalise: celui de se rendre de l’autre côté du Mur de Berlin, dans les pays de l’Est encore difficiles d’accès. «Lors de ces tournées, nous faisons la rencontre de personnes exceptionnelles: artistes de Pologne, d’Ukraine, de Tachkent, d’Allemagne de l’Est, peuple tsigane et même un écrivain dissident… devenu par la suite président de la Tchécoslovaquie», se souvient Monique Décosterd. Ce contexte en pleine effervescence devient une source infinie d’inspiration pour la compagnie. Les échanges avec des populations fragilisées affirment le choix de faire du théâtre un lieu d’interrogation sur l’état du monde, un espace d’échange ouvert à tous.

Performance de la fondatrice des Montreurs d’images (2001).
Journée mondiale des femmes à la Place des Nations (2000).

La scène locale

A Genève et sur mandat du Département municipal de la culture, le théâtre enchaîne les animations estivales dans les parcs publics, mais aussi en pleine campagne ou dans le cadre intimiste de la salle sise à la rue Michel-Simon. Les performances sont reprises et jouées à travers la Suisse romande et en France. Cours, ateliers et événements de rue (célébrations du printemps, parades d’hiver) – rassemblant des centaines de participants – se succèdent.
A 72 ans, Monique Décosterd garde tout son élan. Pour faire un lien entre le passé et le présent, elle a créé un spectacle: «Si tu dois couper un arbre, fais-en quelque chose de beau», avec cinq jeunes filles, élèves de son école. Une fois de plus, la danseuse renouvelle son désir de conter des mythes, tout en rendant hommage à l’humanité et à la nature.

 

Véronique Stein

Pour commander l’ouvrage:
www.montreursdimages.ch

 

Tél. 022 328 27 31
A voir sur la TSR, le 1er avril 2022 à 20 h:
Emission «Passe-moi les jumelles»,
consacrée au Théâtre Les montreurs d’images.