«Je prends du plaisir à lire lentement, juste pour me détendre».

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Dans la bibliothèque de Mgr Charles Morerod

Les lectures à tout-va de l’évêque

8 Juin 2022 | Culture, histoire, philosophie

L’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg aime lire. Il lit bien sûr «pour son travail», pour ses interventions, ses prêches, même s’il a déjà en tête toute sa théologie, mais il lit aussi et surtout pour se détendre et se faire plaisir. Il lit un peu de tout, au débotté: des polars, des biographies, des livres d’actualité.

Il lit beaucoup… mais il ne sait pas ce qu’il lit! Ou plutôt, il lit tellement, avec une telle insouciance et une telle liberté, qu’il ne sait plus vraiment ce qu’il lit, ni ce qu’il a lu. Il lit à tout-va, çà et là, chaque jour que Dieu fait, entre deux séances ou dans le train, au bureau ou avant d’aller dormir. «Je ne suis pas physionomiste et j’ai souvent de la peine à reconnaître les visages, explique Mgr Charles Morerod en nous recevant à l’évêché, et j’ai un peu le même problème pour mes lectures: je ne me souviens pas des titres des livres ni du nom des auteurs. Je lis un peu de tout, des livres que j’achète, d’autres que l’on m’offre. Des polars, des livres d’actualité, des livres d’histoire…».

Les livres religieux, outils de
travail

Le catholicisme, il connaît! Les grandes religions et les grandes philosophies aussi, il les a étudiées et enseignées pendant toute sa vie, en particulier quand il a dirigé l’Angelicum (l’Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin) entre 2009 et 2011, à Rome, le creuset de l’élite de l’Eglise catholique où étudia notamment le pape Jean-Paul II. Les livres religieux, ce sont, comme il dit avec son esprit espiègle et son humour pince-sans-rire, «ses instruments de travail». Il les a tellement dévorés et médités qu’il n’a plus vraiment besoin de les relire, si ce n’est pour vérifier une citation, une anecdote, une date. «J’ai fait des fiches de lecture pendant toute ma vie, j’en ai au moins vingt ou trente mille que je consulte selon les moments».
Aujourd’hui Mgr Morerod lit surtout des livres sur… l’athéisme, par exemple un gros ouvrage en anglais de John Gray, dans le style «L’athéisme pour les nuls». L’évêque voudrait-il mieux connaître l’ennemi pour mieux le combattre? «Non, dit-il en souriant, c’est simplement pour mieux comprendre comment pensent les athées. La lecture sollicite l’imagination, la réflexion, la pensée…».

«La Bible ou la culture des
champignons»

Mais quel livre emporterait-il sur une île déserte? Est-ce qu’il emporterait la Bible, comme tout prince de l’Eglise ou même comme tout croyant qui se respecte? «Ce pourrait être la Bible, dit-il, mais je ne sais pas trop si on a le temps de choisir un livre quand on fait naufrage. Ce pourrait être aussi un livre sur la culture des champignons. Ça m’irait très bien». Ayant vécu en communauté depuis qu’il est devenu prêtre, Mgr Morerod a toujours séjourné au milieu de bibliothèques déjà riches et organisées; il n’a pas eu besoin de se constituer la sienne propre en partant de zéro. D’autant qu’après les avoir lus, il donne tous les livres qu’il reçoit à des amis!
Sur sa table de chevet, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg a au moins sept ou huit livres ouverts. Il ne sait pas vraiment lesquels, parce qu’il les lit tous en même temps et dans une sorte d’enchevêtrement assumé, de
joyeux chaos, mais avec beaucoup de plaisir.
«J’ai toujours eu l’habitude de lire vite, les travaux de mes étudiants, des textes avant une conférence ou un sermon que je devais faire, mais là je prends du plaisir à lire lentement, juste pour me détendre. En ce moment, je sais que je suis en train de lire un polar, mais impossible de me rappeler lequel. Je lis aussi un livre sur l’histoire de la Russie et «Un amour de Swann» de Proust, que j’ai découvert récemment. J’ai aussi une BD, car j’aime les BD. Je suis de ma génération, forcément. J’ai lu Tintin, Astérix, Lucky Luke, Gaston Lagaffe… J’ai aussi découvert Largo Winch, le thriller XIII. On peut considérer que les polars mettent en scène la violence et le meurtre, mais ce sont aussi des livres qui montrent la complexité des relations entre les êtres humains, les débats intérieurs, les contradictions, les drames. On apprend beaucoup de choses sur les réalités des hommes».

 

Robert Habel