Donc passer l’hiver sans pullover est dans les «Objectifs du développement durable» (trouvé sur Google).

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hors champ

Les droits humains pour les nuls

1 Fév 2023 | Culture, histoire, philosophie

 Chaque dernier numéro du mois… Spécial Formation… mais chaque mois aussi, Spécial Nations, peut-on dire: pour garder accès au Palais des Nations, un «correspondant» doit écrire une dizaine d’articles par an. Alors pour le premier de l’année, retour au sources: la Déclaration (…) des droits de l’homme».

La «Déclaration», il y en a deux au moins… et bien plus si on remonte aux Tables de la Loi et qu’on descend le long de tous les penseurs de la chose… en passant par la grande Charte, les écrivains des Lumières et ceux de la Raison pure. Ici, on ne va pas faire un cours sur les «droits», mais mettre en valeur certaines des «failles» d’où pourrait sortir une jeune pousse.

Il ne peut l’écrire mais
sut le penser

C’est le hasard qui m’a fait découvrir le paradoxe de l’Article 11: la Déclaration des droits de l’homme issue de la Révolution française parle de liberté et d’égalité dans son premier article. Mais l’ironie de l’histoire se trouve dans l’article 11: «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement (…)». Cet article était une initiative de Louis-Alexandre de La Rochefoucauld… mis à mort peu après par des «chasseurs d’aristocrates»: doit-on dire que dès l’abord, la «haute» société voulait la liberté partagée, et ceux d’«en-bas», le pouvoir sans partage? Autre ironie, souvent évoquée: ce n’est pas dans les pays les plus injustes que la révolte pour la justice a éclaté… mais dans le plus prospère et «libéral».
On peut aussi se demander pourquoi la Déclaration de 1789 est «de l’homme et du citoyen»: n’y a-t-il pas là pléonasme, du fait que la notion de «citoyenneté» et de «nationalité» n’avait pas encore sa rigueur moderne? Même de nos jours, les notions d’Etat, de Nation, de peuple, de pays, de gouvernement… se recoupent ou s’opposent selon les contextes. On trouve dans les «Archives parlementaires» de 1789 – qui transcrivent les débats – une partie des réponses à ces interrogations. Va pour celle de 1789, qui de toute façon est restée poésie flottant sur des fleuves de sang jusqu’à la Troisième République près d’un siècle plus tard.

La société civile vit-elle
sur la bête?

Dans la Déclaration universelle d’Après-Guerre, le paradoxe se cache plutôt dans les derniers articles. Passons sur la pointe des pieds sur le point 3 de l’article 26: «Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants» semble bien vidé de sa substance par les bonnes intentions de la République des professeurs. Sans doute conscients des abus en germe dans la notion de «droit» souvent évoquée tout au long des articles 1 à 29, le point 3 de ce dernier précise que «Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies»; et l’ultime article 30 ajoute que «Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés». C’est toute la question des «droits économiques, sociaux et culturels», dont les penseurs libéraux disaient dès le début qu’ils allaient tuer les droits politiques. En effet, un droit politique comme la liberté de créer un parti ou de lancer un journal se vérifie sans trop de mal… mais un droit comme celui à la santé ou à l’éducation est aussitôt prétexte à un arsenal de réglements, de politiques, de campagnes… qui vont souvent à fin contraire mais assurent la prospérité de tous les experts et militants des «bonnes causes». On peut se demander si le succès des fameux droits – outre politiques – est dû à leur valeur ou à la pression de leurs plaideurs. «Qu’allons-nous devenir si la Déclaration tient juste en trente articles?»: la logique des droits complémentaires fait penser à celle des soins complémentaires… «Qu’allons-nous devenir si nos prestations ne sont plus remboursées?» (voir aussi le film passé à Black Movie «Shivamma»).

Qui de la flèche ou du boomerang atteint le mieux sa cible?

Revenons aux «pléonasmes» et autres «redondances» mentionnés plus haut à propos de l’«homme» et du «citoyen»: on pourrait dire juste «déclaration des droits»… car même ceux que désormais on accorde aux chiens et aux arbres sont «humains» (du moins, le sont par «humanité»). Sans doute le seul droit qui ne soit pas «de l’homme» ou «humain» est-il «divin»; mais «de droit divin» est un droit de l’homme qui l’a reçu de Dieu qui, Lui, est «tout-puissant» avec ou sans droit. En ce sens, «droits de l’homme» s’oppose aux droits des êtres sans états d’âme comme l’armée, qui se prévaut du «droit» de lever des troupes… le fisc, celui de lever l’impôt… les Eglises, celui de faire la morale. Mais ne cherchons pas la petite bête à Eleanor Roosevelt ou à La Fayette: ils ou elles avaient pour souci de mettre fin à des abus qu’ils tentaient de cerner par un vocabulaire parfois nouveau. Mais que de profiteurs – par arrivisme ou par mimétisme – prospèrent dans les ambiguïtés!

 

Boris Engelson