Jean-Claude Pont et Jean Romain.

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OPINION - Un essai engagé

Le wokisme en ligne de mire

21 Août 2024 | Culture, histoire, philosophie

Jean Romain, ancien président du Grand Conseil genevois, philosophe et écrivain, s’est associé à l’historien des sciences Jean-Claude Pont pour publier un essai percutant intitulé «L’Occident malade du wokisme». Inutile de préciser que les deux professeurs valaisans qui ont retrouvé leur terre d’origine après leur carrière genevoise ne sont pas particulièrement classés à gauche. Leur pamphlet, adressé aux décideurs politiques, économiques et intellectuels, se veut très combatif.

La plaquette dresse un constat sévère de l’impact du wokisme, un mouvement intellectuel né aux Etats-Unis et qui a rapidement envahi l’Europe, notamment la France et la Suisse. Le wokisme, initialement destiné à combattre les injustices sociales et raciales, a évolué en une idéologie radicale remettant souvent en cause les fondements même de la science, de la culture et de la société occidentales.
Les deux auteurs valaisans décrivent le wokisme comme une force destructrice, qualifiée de «machine de guerre», qui s’attaque aux disciplines traditionnelles dans les Universités, notamment en sciences humaines, en imposant des concepts tels que la théorie du genre, la théorie critique de la race et l’intersectionnalité. Selon Pont et Romain, le wokisme ne se contente pas de dénoncer les discriminations; il promeut une réécriture de l’histoire, une négation des sciences naturelles comme la biologie et une radicalisation des mouvements sociaux, au point de désigner l’homme blanc hétérosexuel comme le responsable héréditaire et par conséquent le commode bouc émissaire de tous les maux de la société.

Rouleau compresseur

Au cœur du wokisme, présenté comme un rouleau compresseur idéologique, se trouve une critique radicale de la science et de la culture occidentales. Selon cette idéologie, les disciplines scientifiques seraient le produit d’une domination blanche et masculine. Les auteurs s’inquiètent de la remise en question de concepts fondamentaux tels que la binarité sexuelle et l’objectivité scientifique, remplacés par une «fluidité de genre» et une épistémologie subjective. Ils dénoncent également la «cancel culture», un sous-produit du wokisme qui s’efforce d’effacer les œuvres littéraires et artistiques jugées offensantes ou non conformes aux nouvelles normes proclamées.
Le document critique également l’écriture inclusive, l’écoféminisme et les manifestations du wokisme visant à transformer profondément les valeurs et les structures sociales. Les auteurs expriment leur inquiétude quant à la manière dont ces idées ont infiltré le système éducatif, notamment en Suisse, où des initiatives telles que l’introduction de l’écriture inclusive dans les Universités ou la suppression de la Fête des mères dans des écoles genevoises sont vues comme des exemples de dérives idéologiques.

Vision manichéenne

Le texte met en avant des témoignages et des exemples concrets pour illustrer l’influence croissante du wokisme dans l’éducation, les médias et la politique, et appelle à une réaction urgente pour contrer ce que ses auteurs perçoivent comme une menace pour la société occidentale. En conclusion, Pont et Romain dénoncent ce qu’ils considèrent comme une inversion des valeurs où la victimisation devient une forme de pouvoir et où le discours rationnel est remplacé par une idéologie émotionnelle et punitive. Les auteurs alertent sur le danger de cette idéologie qui, sous couvert de justice sociale, propage une vision manichéenne et radicale du monde.
Selon Romain et Pont, les systèmes éducatifs européens sont particulièrement vulnérables face à l’avancée du wokisme. Les auteurs rapportent des témoignages d’élèves et d’enseignants confrontés à cette nouvelle orthodoxie, où la moindre divergence d’opinion peut conduire à des accusations de discrimination ou à l’exclusion. Ils mettent en lumière l’emprise croissante de cette idéologie sur les programmes scolaires, où l’histoire, la philosophie et même les mathématiques sont récrites pour correspondre aux nouveaux concepts. Ceux qui s’y opposeraient seraient aussitôt qualifiés de fascistes, ou pour le moins de polémistes controversés.

 

François Berset