Gérald Gallant.

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Lieux de crime

Le tueur à gages de motards se confesse à Genève

8 Juin 2022 | Culture, histoire, philosophie

Il y a 16 ans, un Québécois était interpellé dans un hôtel de la rue Rousseau à Genève pour une banale affaire de vols. A son actif: 27 meurtres et 12 tentatives de meurtre…

Alors que l’actualité nous rappelle depuis trois semaines l’existence de bandes de motards en Suisse romande, à Plainpalais ou dans le canton de Berne, on redécouvre un peu ces légendaires gangs de motards, plutôt discrets en Suisse et nettement moins dangereux que dans des pays comme ceux du Nord, le Canada ou les Etats-Unis. On ignore toutefois que la guerre – que se sont livrée ces bandes outre-Atlantique dans les années 90 – est passée par Genève et a fait 165 morts en dix ans!

Passe-partout

C’est un peu par hasard d’ailleurs que la police genevoise va arrêter, il y a seize ans, le pire tueur à gages de l’histoire du Québec. Le 5 mai 2006, la brigade des vols de la police genevoise interpelle deux individus à l’hôtel Excelsior, un trois étoiles de la rue Rousseau dirigé à l’époque par feu Bernard d’Allèves. Les deux hommes sont soupçonnés d’avoir falsifié des cartes de crédit. L’un deux, Gérald Gallant, 56 ans, s’était rendu dans de nombreuses bijouteries du canton pour «acheter» des pièces qu’on lui avait commandées et qu’il comptait bien revendre sur le marché noir des montres européennes. Moins d’un mètre 60, un léger bégaiement, ce quinquagénaire au physique passe-partout avait acquis une montre Cartier, une veste Versace et un portefeuille Louis Vuitton pour mieux berner les bijoutiers.

Il se met à table

Gérald Gallant et son complice sont emprisonnés à Champ-Dollon. Passionné de cyclisme, ancien boucher, ce petit voleur sans envergure à ses débuts a monté peu à peu les marches de la grande criminalité. S’il a toujours réussi à passer entre les mailles du filet, notamment grâce à son côté anodin, il se sent «cuit» à Genève. Il va donc se mettre à table et négocier. Et là, là on ne parle plus d’un voleur de cartes de crédit, mais du pire tueurs à gages de l’histoire du Québec. Né à Chicoutimi, quatrième d’une famille de cinq enfants, d’apparence frêle, l’homme travaillait notamment pour le compte du Gang de l’Ouest et des Rock Machine. Son tableau de chasse? Vingt-huit victimes et douze tentatives de meurtre dont des figures des Hells Angels.

«Gants magiques»

Extradé outre-Atlantique, Gérald Gallant est devenu ce que l’on appelle un témoin repenti, terme plus élégant que délateur, même si le résultat est identique. Les déclarations qu’il a fournies ont permis de procéder à l’arrestation d’au moins dix criminels dangereux au Canada. Il sera condamné en 2009 à 41 fois la prison à vie, avec possibilité d’une libération conditionnelle lorsqu’il sera âgé de 83 ans, et ne sera reconnu coupable «que» de 27 meurtres et de 12 tentatives de meurtres.
Son «job» a duré plus d’un quart de siècle. Lorsqu’il acceptait un contrat, il travaillait toujours seul, épiait sa cible pendant plusieurs jours, notamment dans le restaurant où elle avait ses habitudes. Bien préparé, Gérald Gallant enfilait alors ses «gants magiques» comme il les appelait, sortait son 357 Magnum et tirait calmement avant de repartir tranquillement au volant de sa propre voiture. Aujourd’hui emprisonné dans un pénitencier de haute sécurité, Gérald Gallant passe son temps à s’occuper des fleurs et des tomates de la prison. Il lit aussi des sagas sur Lance Armstrong, ex-champion déchu du Tour de France.

 

Valérie Duby