Henri-Edouard Brosset, Le Salève, huile sur toile, première moitié du XXème siècle.

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Exposition

Le Salève des Carougeois

21 Fév 2024 | Culture, histoire, philosophie

Un brin provocateur, le Musée de Carouge met sous la loupe l’emblématique «montagne des Genevois», qui se révèle immanquablement aussi celle des Carougeois. Peint, décrit, gravi, le Salève déroule à satiété une montagne d’histoire, d’art et d’anecdotes.

«Le Salève, montagne des Carougeois ?!», tel est le titre à la fois affirmatif, interrogatif et un brin provocateur de l’exposition qui, du 29 février au 5 mai 2024, retrace l’histoire unissant la ville de Carouge à cette grande bosse ronde savoisienne qui domine l’horizon sud-ouest. «Dès le début du XVIIIe siècle, Carouge a fait un large usage de la pierre du Salève», rappelle Benoît Boretti, conservateur-responsable du Musée de Carouge. Principal promoteur de cette ville nouvelle aux portes de Genève, le Comte de Veyrier, Pierre-Claude de la Fléchère, utilisera notamment la pierre écroulée du Château d’Etrembières pour bâtir sa demeure seigneuriale sur la place du Marché. Par-delà la frontière, le trajet se parcourt parfois aussi en sens inverse. Ainsi de la Chapelle des Enfants de Marie, miniature néo-gothique carougeoise démolie sous la loi anticléricale de 1875 et reconstruite au Pas-de-l’Echelle.
Hanté, comme beaucoup de montagnes, de légendes et d’anecdotes, le Salève qui inspira nombre de personnalités artistiques et scientifiques réveille ses grandes et petites histoires en lien avec la Cité royale. Présentées dans les premières salles, toiles et gravures des XIXe et XXe siècles appartenant au Musée viennent étayer les faits. Elles font la part belle à André Kasper, Emile Chambon, Joseph Rérolle, Louis Uldry, René Guinand, Michel Baumgartner qui ont croqué le paysage salévien. A leurs côtés, dix illustations contemporaines exclusivement réalisées pour l’exposition révèlent l’attachement très fort des Carougeois à cette montagne. Mirjana Farkas, Tina Schwizgebel-Wang, Catherine Grimm, Amélie Strobino, Maud Oihénart, Exem, Jean-Philippe Kalonj, Tom Tirabosco, Wazem et Fabian Menor se sont prêtés à l’exercice. S’y ajoutent une installation artistique de Pascale Favre et une fresque participative de PanpanCucul qui invite le public à témoigner de son lien avec le Salève.

Berceau de la varappe

Terre prisée par Victor Hugo, Richard Wagner, Alphonse de Lamartine, Sissi, Impératrice d’Autriche, et bien d’autres, le gros caillou qui culmine à 1379 mètres au Grand Piton a aussi gagné sa notoriété pour être le berceau de l’alpinisme. Voie mythique, la gorge sauvage de La Grande Varappe escaladée par une poignée de brillants grimpeurs dans les années 1880 est à l’origine des termes «varappe» et «varapper». Attirant sur ces flancs le savant genevois Horace-Bénédict de Saussure avant sa conquête du Mont-Blanc, le Salève fut aussi le terrain d’entraînement de l’alpiniste genevois Raymond Lambert qui faillit être le premier homme sur l’Everest en 1952. En lien avec l’ascension, on croise forcément, au fil de l’exposition, «Tricouni», Félix-Valentin Genecand de son vrai nom. A la fois sertisseur et alpiniste, il est le créateur, dans son atelier carougeois, des fameux clous à pointes qui, fixés aux semelles, permettent une meilleure adhésion à la roche. Entrée dans le dictionnaire en 1925, son invention va se diffuser aux quatre coins du monde, équipant alpinistes et soldats, à tel point que deux sommets lui font hommage, le Tricouni Peak au Canada et le Mont Genecand en Antarctique.

Invitation à la balade

Balcon du Léman, le Salève est devenu au fil du temps une destination privilégiée de loisirs et d’excursion, surtout depuis qu’un téléphérique installé en 1932 et nouvellement rénové nous emmène au sommet sans effort. Il a remplacé le premier train électrique à crémaillère du monde, construit en 1892. Et puisque l’on parle de mobilité, la rencontre muséale avec les frères Dufaux, est de mise. Fondateurs de Motosacoche, à Carouge, ils ont réalisé, en 1904, la première montée motorisée du Salève par la route caillouteuse et pentue menant d’Etrembières aux Treize-Arbres (qui étaient trois, «très» en arpitan). Toutes ces visions invitent à poursuivre la balade.
Un riche programme de conférences, d’animations et de randonnées sont proposées tout au long de l’exposition, en partenariat avec la Maison du Salève, site culturel vivant et chaleureux sis à Présilly, et la section carougeoise du Club Alpin Suisse.
Des navettes gratuites sont organisées entre le Musée de Carouge et la Maison du Salève. Réduction sur l’achat des billets au Téléphérique du Salève. Une échappée hors les murs? Le Salève le vaut bien.

 

Viviane Scaramiglia

Le Salève, montagne des Carougeois?! affiche, 2024.
Les ferrures Tricouni, affiche, 1935.

«Le Salève,
montagne des Carougeois ?!»

Musée de Carouge
Place de Sardaigne 2, 1227 Carouge
Du 29 février au 5 mai 2024
Mardi à dimanche de 14h à 18h.
Ouverture exceptionnelle samedi 2
et dimanche 3 mars (ArtCarouge)
www.carouge.ch/musee