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Philosophie immobilière

Le rat des villes, le rat des champs et le rat numérique

28 Sep 2022 | Culture, histoire, philosophie

Né à la Maternité, né dans les près, né en télétravail, le rat se ressemble et se reproduit sans se soucier des lendemains qui pleurent. L’anxiété, la mélancolie, les doutes métaphysiques, les rigueurs bureaucratiques, il ne connaît pas. Un être fort sympathique, qui vit caché, heureux d’y voir clair dans l’obscurité. Dans la hiérarchie des camarades de classe, le vieux rat qui en a vu d’autres est naturellement le leader. S’il a survécu aux pièges, aux trappes, aux poisons, c’est qu’il a de l’instinct, de l’expérience, de la chance et du métier. Savoir être, savoir faire, savoir vivre, savoir durer. Les jeunes, respectueux de l’espèce, le consultent avec l’envie d’apprendre des surdoués.
Les ancêtres de grande lignée ont peuplé les égouts de Paris. Les lacustres, les villages humains sur pilotis. Les sédentaires, les celliers, les garde-manger et les silos à blé. Les voyageurs ont traversé à la nage, à fond de cale, ou à la course à pattes, pays et continents. Dans son ADN, le rat domestique combine et recombine les chromosomes des Fleming, Pasteur et autres Darwin. La richesse de ce patrimoine échappe à tous les contrôles. In vivo ou in vitro. Le vieux rat de laboratoire survit aux chercheurs et aux savants. Pas de quoi en faire un fromage.
Avec l’intelligence artificielle, les courbes de Gauss et les statistiques, notre ancêtre le rattus simple pékin a évolué en sciences numériques. Il se nourrit des câblages d’ordinateurs. Fait des étincelles dans les armoires à mémoire, déclenche des pannes électriques dans les cybercentres, parasite les circuits imprimés, attaque l’électronique en toute impunité. De l’humide et sombre à la chaleur et à la lumière. Il annonce la couleur post-cybernétique: plus l’homme fait du dégât, plus l’homme fait de la place au rat.

 

APPRENTI PÉCUB