culture - Genève
Le Musée d’art et d’histoire en pleine réinvention
Si les musées racontent une histoire qui ne parle plus à personne, ils n’ont plus à exister. A l’heure de la mise en œuvre de son projet d’agrandissement et de rénovation, l’institution genevoise se destine à porter du sens sur un long terme. La réflexion qu’elle mène sur sa nécessaire évolution s’assortit d’un cycle de conférences «Le Futur a-t-il un avenir?». Dans ce cadre, quatre géographes et sociologues ont exploré la Genève des années 2050 et ses défis muséaux.
De la statue des Allobroges à la Salle des Armures, la collection encyclopédique du MAH met en scène le socle commun de l’histoire de Genève. Mais que représenteront-elles dans le Grand Genève des années 2050? L’histoire des musées est l’histoire de nos sociétés. Dès lors, que deviendra dans trente ans ce levier d’identité collective dans une agglomération d’un million d’habitants, traversée par des dynamiques et des identités nouvelles? Quels que soient leurs champs d’expertise, les conférenciers sont unanimes sur le défi du MAH, qui consiste à renforcer le socle muséal classique et à favoriser les expériences ouvertes à un public pluriel. La culture a un vrai rôle à jouer dans le développement urbain. Simon Gaberell, géographe spécialisé dans le développement urbain et professeur à la HES-SO (Haute école spécialisée de Suisse occidentale), dessine pour sa part le profil d’une population vieillissante comme dans toute l’Europe, qui peut laisser entrevoir des flux migratoires plutôt extra-européens. Il évoque aussi les nouveaux quartiers qui apprennent à construire des liens d’identité territoriale et pose la question de savoir comment le musée racontera et portera cette pluralité.
Combler les silences
De par le monde, les musées sont en mutation et se veulent de plus en plus inclusifs. Entendre les récits élargis d’une ville ouverte au-delà des attentes et désirs de publics habituels est le sujet d’un réel enjeu de démocratisation culturelle revivifiée. Professeurs de sociologie à l’Université de Genève, Fiorenza Gamba et Sandro Cattacin relèvent que «la célébration de la ville n’est jamais coulée dans le marbre, mais se dynamise et évolue au sein de narrations communes, importantes pour l’individu et la communauté».
Le musée peut être un extraordinaire instrument pour tisser du lien entre le patrimoine, le passé, le présent et l’avenir, entre l’ici et l’ailleurs, entre l’environnement et nous, à condition de combler les creux et les silences de sa collection. «Alors que Marie Laforêt chantait une Genève endormie et bourgeoise en 1993, la ville était à l’apogée de la culture squat», rappelle Raphaël Pieroni, géographe centré sur les politiques urbaines et culturelles. Chef de projet du musée, Bertrand Mazeirat observe en marge de la conférence que «les fonds sont notamment passés à côté de l’histoire sociale de Genève, des squats, de la vie ouvrière, de la représentation des femmes artistes. Puis, il y a les fonds prospectifs qu’il s’agira peut-être d’inventer».
La révolution du regard
Inciter les publics à venir au musée pour s’inspirer, contempler, réfléchir, échanger, participer et s’y reconnaître, s’inscrit dans le projet porté par la vision générale de Marc-Olivier Wahler, directeur du MAH et de l’ensemble muséal des MAH (Musée Rath, Maison Tavel, Cabinet d’arts graphiques), nommé en 2019. Réfléchir l’objet pour inciter à percevoir les choses d’une autre façon: c’est une sorte de révolution du regard qui doit s’opérer en quelque sorte grâce au nouveau concept de collection en cours d’élaboration. La nouvelle définition des musées de l’ICOM, organisation internationale des musées, qui reconnaît l’importance de l’inclusivité, se fait l’écho de la réinvention du musée genevois à travers sa capacité de s’interroger sur lui-même en tant que lieu de savoir et de communication.
Après que le projet dit «Nouvel» d’extension a été balayé en votation populaire en 2016, le projet d’agrandissement et de rénovation du musée fait l’objet d’un concours international d’architecture dont les résultats seront connus dans quelques semaines.
Viviane Scaramiglia
Cycle: «Le Futur a-t-il de l’avenir?»
Conférences à venir:
Le 16 avril:
«Devine qui vient dîner ce soir?»
Le 18 mai:
«Elon Musk va-t-il racheter le Louvre»?
Au GamMAHm promenade du Pin 5,
Genève, à 18h30.