
culture & nature
Le Musée Barbier-Mueller donne carte blanche à Jean-Baptiste Huynh
Avec le célèbre photographe franco-vietnamien, le musée privé genevois provoque des rencontres inédites entre œuvres tirées de ses richissimes collections d’art extra-européennes et images empreintes d’infini.
Un enfant noir aux intenses yeux bleus, une feuille dans sa main servant d’écrin à des gouttes d’eau, côtoie un plat égyptien en marbre de l’époque dynastique utilisé dans les rites funéraires. La vie, la mort, un objet, une image pleine de grâce, un portrait projeté dans un espace intemporel, vibrante d’une puissante présence intérieure. Au long des vitrines murales coule la dimension d’un ordre universel donné comme un instant parfait. A travers le portrait, le regard, le nu, la main, l’univers végétal ou minéral, les rites ou les symboles spirituels, les photos de Jean-Baptiste Huynh, au-delà des similitudes formelles avec les objets, appellent le visiteur à observer droit dans les yeux la cohérence du monde et les cycles de la vie, de la naissance, à la vieillesse et la mort.
Ici, la photo d’une mère africaine et de son enfant dialogue avec un robuste tabouret Luba en forme de mère à l’enfant; là, une statuette féminine Baoulé exprimant la fécondité fait écho à une maternité de l’artiste. Un singulier appuie-nuque congolais lié à une image lunaire invite à la rêverie. Non loin, l’effigie en bois d’un ancêtre Konso accompagne le portrait d’un noble vieillard kényan. Au total, une trentaine de photos font échos à autant d’objets choisis dans l’immensité des collections d’arts lointains du musée qui traversent les temps, de l’Antiquité à nos jours.
Objet de rituel funéraire. Plat égyptien, époque dynastique.
Vagabond de la planète
Depuis 35 ans, Jean-Bapstiste Huynh, artiste autodidacte, parcourt le monde. Né en France, en 1966, de mère française et de père vietnamien, ses œuvres souvent présentées à Genève par la galerie Patrick Gutknecht s’exposent un peu partout dans d’importants musées. Il a aussi paré de ses «Lueurs» la Cathédrale Saint-Pierre en 2023, pour les 50 ans des «Clefs de Saint-Pierre». «J’ai fait mes premières photos quand j’étais enfant, avec l’appareil familial. Adolescent, j’avais créé mon petit labo. Après le baccalauréat, mon choix s’est fait, sans l’ombre d’une hésitation».
Une vraie écriture photographique s’impose. Un format carré, toujours un fond noir qui décontextualise le sujet constamment capté à la même distance et avec une seule source de lumière. Perfectionniste, Huynh pose un regard affûté sur les êtres et les choses, attentif à la finesse du grain de ses photographies et au velouté des nuances. En quête de ses origines, ses premiers portraits s’arriment au Vietnam en 1997, puis à l’Asie. Depuis, avec le même Hasselblad qu’à ses débuts, il voyage aux quatre coins du globe et élargit son art du portrait à d’autres sujets qui portent à l’universel, à travers l’épure et une limpidité formelle qui se font miroir de l’humanité.
Rencontre avec Monique
Barbier-Mueller
«J’ai fait connaissance de Monique Barbier-Mueller au Mali, il y a une vingtaine d’années. Il y a une grande similitude entre les collectionneurs et moi-même, qui sillonnons le monde, avec la beauté des civilisations en partage». Pour Caroline Barbier-Mueller qui a suggéré l’exposition, «il était logique que ces deux univers se rencontrent». C’est aussi le premier événement de la nouvelle directrice de l’institution, Séverine Fromaigeat, nommée en juillet dernier. Le catalogue (en français et anglais) met en lumière les clichés de l’artiste, en dialogue avec les objets choisis dont il a tiré des photos inédites.
Viviane Scaramiglia
«Echos, Jean-Baptiste Huynh»
Jusqu’au 14 septembre
Musée Barbier-Mueller
Rue Jean Calvin 10
1204 Genève
Ouvert tous les jours de 11h. à 17h.
www.barbier-mueller.ch