Le monde en rimes

La série de poèmes d’Ange-François Pezzini s’ouvre avec «Les gilets jaunes», soit un regard sur les saccages et les heurts parisiens de février 2019. Durant la pandémie, l’auteur prend la plume en signe de reconnaissance envers le personnel soignant, jouant sur les mots («Les blues blanches»). «Les thèmes s’imposent à moi, affirme d’emblée le poète d’origine corse, qui réside en alternance à Paris et à Genève. Ma source d’inspiration est la société telle qu’elle va et… plutôt mal!».

Décrypter l’actualité de manière décalée

«Si quelque chose me marque, je le décline en vers, explique l’auteur au style délicat et érudit. Selon les rencontres ou les liens d’amitié, je rends également hommage à certaines personnalités dont l’action me touche particulièrement». C’est le cas de France Majoie-le-Lous, généreuse mécène qui, par le biais de son association, fournit de l’eau potable aux populations de régions désertiques en Afrique. Autre exemple: «Thierry ou la politique de la chaise occupée» est un texte dédié à Marie, Valentine et leurs sœurs, mêlant fierté et tristesse face à la collection de chaises de feu Thierry Barbier-Mueller qui a fait l’objet de plusieurs expositions.
Outre les poèmes évoquant les grands bouleversements politiques, comme la guerre en Ukraine ou l’attaque du Hamas sur sol israélien puis l’embrasement général au Proche-Orient, l’actualité sportive titille Ange-François Pezzini. Un intérêt peu surprenant si l’on sait que l’écrivain financier a une autre casquette: il a été plusieurs fois champion de France d’escrime, champion d’Europe, quatrième mondial, une pratique qui nécessite, tout comme l’écriture, agilité et précision.
Certains épisodes choquants sont commentés; dans «La palme dort», il s’agit de l’accident de route de Pierre Palmade, sous drogue, causant trois blessés graves, parmi lesquels une femme enceinte qui a perdu son bébé. Il y a aussi de quoi s’offusquer lorsque la célèbre danseuse russe Maria Khoreva du Mariinsky – qui devait se produire au Lincoln Center de New York – a dû renoncer au gala, visée par les menaces d’activistes: «Faisant fi des accords dits Lacy-Zarubin/ Visant à préserver l’espace d’une trêve/ La recherche et les arts, tout ce qui tient au rêve/ Ces rustres ont évincé la ballerine». L’absurdité du monde est par ailleurs dénoncée, notamment dans «Vain milieu sous les mers», où il est question de la sortie touristique payée 250 000 dollars par le milliardaire Hamish Harding et dont le sous-marin a disparu près du Titanic. Le poème «Vent debout» jette, quant à lui, un regard cynique sur la présence des éoliennes dans nos paysages: «Ainsi se lamentaient/ Ces moulins squelettiques/ Dérisoire futaie/ Immobiles, anémiques».
Sur le site de monbestseller.com, les commentaires fusent, pour la plupart positifs: «Certains poèmes contiennent un monde comme dans les boules de neige. C’est dedans, c’est capté», relève une lectrice enthousiaste. Grâce aux phrases qui entrent en résonance, Ange-François Pezzini nous offre un recueil original dans son procédé littéraire. A lire absolument!

Véronique Stein