terroir - Le cardon, un légume emblématique de Genève
L’AOP du cardon épineux de Plainpalais fête ses vingt ans d’existence
Elu «meilleur légume au monde» par les Genevois, le cardon épineux local fête les vingt ans de son Appellation d’Origine Protégée (AOP). Il s’agit du seul légume cultivé en Suisse pouvant se targuer d’un label aussi prestigieux. Son histoire à Genève, longtemps rattachée à l’arrivée des émigrés huguenots français fuyant les persécutions au XVIIe siècle, serait pourtant même antérieure comme l’attestent des recettes de cuisine datant de 1566, retrouvées aux archives.
Le cardon, légume au riche passé, occupe une place spéciale dans l’histoire culinaire genevoise. Connu des Grecs et des Romains, initiés à sa consommation sous le nom de lactos, ce légume sauvage a évolué au fil du temps grâce aux sélections expertes des horticulteurs romains, devenant ainsi une délicatesse adaptée aux diverses zones de production. Les débats botaniques autour de son origine ont animé les esprits, certains se demandant si l’artichaut et le cardon devaient être considérés comme deux plantes distinctes ou des variantes d’une même espèce. L’hypothèse la plus probable pointe vers un ancêtre commun, le cardon sauvage méditerranéen.
Mais qu’en est-il de sa présence
à Genève?
Pour les connaisseurs locaux, le cardon était associé aux Huguenots exilés à Genève au milieu du XVIIe siècle. Une révélation de l’historienne Isabelle Brunier a cependant ébranlé cette croyance, dévoilant des documents datant du XVIe siècle attestant de la présence précoce du cardon dans les mets genevois.
Isabelle Brunier, avec ses découvertes aux archives d’Etat, a mis en lumière une véritable révolution dans le récit du cardon genevois. Les menus anciens de 1566, détaillant le festin offert à un duc, comprennent non seulement des mets exquis tels que chapons, grives et truites cuites au vin, mais également des cardons. Ce constat vient contredire l’idée selon laquelle le cardon aurait été introduit à Genève par les Huguenots au XVIIe siècle. Ainsi, le cardon s’est enraciné bien plus tôt dans la gastronomie locale, remontant au moins au XVIe siècle. Cultivé initialement à Plainpalais, son expansion s’est poursuivie après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685, avec l’arrivée de nouveaux émigrés huguenots. Ces vagues migratoires ont également apporté nombre de variétés et espèces de légumes (poireau, côte de bette, artichaut, etc.) à Genève, contribuant à enrichir la diversité culinaire de la région.
Le cardon épineux argenté de Plainpalais: fruit d’une sélection minutieuse
Célébrant deux décennies d’excellence, l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) du cardon épineux genevois représente un jalon significatif dans l’histoire des légumes en Suisse. Cette distinction est réservée à la variété locale du «cardon épineux argenté de Plainpalais», fruit d’une sélection minutieuse qui a abouti à une caractéristique unique et précieuse. Gérant le cahier des charges de l’AOP et entretenant des relations étroites avec les producteurs genevois, l’association Cynara – dont le nom signifie aussi cardon en grec – veille à la préservation de cette appellation.
La culture du cardon exige un travail considérable et offre un rendement modeste, avec seulement 1,8 kg transformé pour chaque dizaine de kilos récoltés. De plus, le processus de production reste largement non automatisable, à l’exception de l’accrochage avec un tracteur. Ainsi, les vingt ans de l’AOP du cardon épineux genevois soulignent non seulement son excellence, mais aussi l’engagement constant des maraîchers à maintenir les normes de qualité qui font de ce légume une véritable fierté genevoise.
Pour Jean-Marc Vuillod, président de l’association Cynara et cultivateur, «Genève possède tout simplement le caviar du légume. Le cardon, c’est aussi Noël et les moments festifs. Plein de fibres et peu calorique, si on omet qu’il est souvent compensé par les autres éléments du traditionnel gratin, il s’agit d’un aliment excellent pour la santé tout en étant toléré par les diabétiques».
Quant à Xavier Patry, directeur de l’Union Maraîchère de Genève (UMG), il se réjouit de la mise en lumière de ce légume iconique commercialisé par l’UMG: «Travailler le cardon n’est pas facile, mais très valorisant. Les maraîchers le cultivant se réjouissent de pouvoir fêter ce légume si particulier, intrinsèquement lié à l’histoire de Genève».