La radioactivité, considérée comme une panacée universelle il y a cent ans.

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Traitements insolites

La radioactivité, remède miraculeux!

27 Avr 2022 | Culture, histoire, philosophie

Si de nos jours, les dangers mortels de la radioactivité sont bien connus, ce ne fut pas toujours le cas. A la fin des années 1920, elle passait même pour une sorte de panacée universelle. Ainsi, de nombreux produits à base de radium firent leur apparition sur le marché: savons, dentifrices, eaux minérales, médicaments miracles, et même des habits.

La fin du XIXe siècle fut marquée par de nombreuses découvertes scientifiques majeures. En 1895, Wilhelm Röntgen découvrait les rayons X et, trois ans plus tard, Pierre et Marie Curie découvraient le radium. Assez vite, on constata que le radium pouvait avoir des applications médicales, par exemple pour soigner des plaies ou des tumeurs. En juin 1901, Pierre Curie et Henri Becquerel publièrent une note sur «Les effets physiologiques des rayons du radium», qui marqua le début de ce qu’on appelait alors la curiethérapie, lointaine ancêtre de la radiothérapie utilisée de nos jours.
Ce fut alors un engouement déraisonné pour cette nouvelle découverte devenue une sorte de remède à tous les maux. En 1916, la revue médicale «Radium» affirmait que «le radium n’a absolument aucun effet toxique, étant accepté harmonieusement par le corps humain, comme la lumière solaire par les plantes». Dans la foulée, de nombreuses entreprises pharmaceutiques se lancèrent dans la fabrication de «médicaments» à base de radium: la Vigoradine, censée vaincre la fatigue; la Tubéradine, radicale contre la bronchite; la Digéraline, pour faciliter la digestion, ou encore le Radithor, censé soigner une centaine de maladies et sur lequel nous reviendrons.
Certains médecins prescrivaient des injections de radium comme tonique à leur patients déprimés… Bref, on pensait que les préparations à base de radium pouvaient guérir de presque toutes les maladies imaginables, de l’arthrite au cancer, de l’hypertension artérielle à la cécité, en passant par les ulcères à l’estomac et l’impuissance. Il existait aussi des cures thermales avec des bains d’eaux radioactives naturelles ou artificielles.

Le Radithor, «remède» radioactif américain prétendait guérir quelque cent maladies.

Empoisonné au Radithor

Cet engouement ne s’arrêtait pas au domaine médical. Ainsi, toute une gamme de produits de beauté radioactifs fit son apparition: crèmes antirides, savons, dentifrices, sels pour le bain et bien d’autres. On peut citer l’exemple de la crème «embellissante» Tho-Radia, à base de radium et de thorium, largement utilisée dans les années 1930. Son slogan publicitaire se voulait imparable: «La science a créé Tho-Radia pour embellir les femmes. A elles d’en profiter. Reste laide qui veut!».
Parmi tous ces produits, on trouvait également de la laine, de l’eau minérale ou des compléments alimentaires. Bien sûr, vu le prix du radium, la plupart de ces préparations étaient très faiblement dosées. Cependant, une utilisation fréquente et de longue durée restait dangereuse, comme le montre l’exemple de l’homme d’affaires américain Eben Byers. Ce dernier avait fait une mauvaise chute en 1927 et s’en remettait difficilement. Un médecin lui conseilla de prendre du Radithor. Ce «remède» radioactif américain prétendait guérir quelque cent maladies, notamment les états de fatigue. Début 1928, Byers commença à en prendre plusieurs flacons par jour. Enchanté, il offrit même des caisses de Radithor à ses amis. Deux ans plus tard, il commença à souffrir de douleurs dentaires et de maux de tête, puis la plupart de ses dents tombèrent… Il mourut en 1932 de plusieurs cancers, à l’âge de 51 ans. Cette affaire fit grand bruit et contribua à faire prendre conscience de la dangerosité de ces produits.
Le même manque de précaution s’observa avec les rayons X. Pendant longtemps, on les utilisa souvent de manière abusive, sans se douter des risques encourus. Les réactions bizarres, comme la perte des cheveux de certains patients lors de longues séances, ne semblaient pas inquiéter outre mesure les médecins de l’époque. Au contraire, en 1903, le Dr Raymond Sabouraud utilisait les rayons X pour éliminer les teignes par dépilation sur la tête des enfants…

 

Frédéric Schmidt