Des bombes (américaines) à «taille humaine», c’était vers 1960… et il n’en reste que des jouets; depuis, on peut sans doute en faire «de poche».

/

hors champ

La paix mondiale et durable pour les nuls

22 Mar 2023 | Culture, histoire, philosophie

Depuis quand y a-t-il des guerres sur Terre? Sans doute depuis que les grands singes savent se servir de leurs mains. Depuis quand y a-t-il des pacifistes? Depuis que les femmes en larmes savent chanter la paix. Pourquoi la «guerre à la guerre» est-elle la seule à n’être jamais gagnée? La question reste ouverte, au seuil de la Troisième Guerre mondiale. Mais au moins, tâchons de garder une leçon du passé…

«Vous avez le sens du timing!»: tel était – dans un film – le cri d’un officier américain à son fils qui venait de tomber amoureux d’une Japonaise au lendemain de Pearl Harbor. On pouvait se dire la même chose il y a un ou deux ans à un forum pour l’éducation où des bonnes âmes demandaient qu’on puise dans le budget militaire pour gonfler celui des écoles. Et de trois: ces jours, les milieux «pacifistes» réclament le désarmement nucléaire… en commençant par l’Occident! Ils sont sincères, mais ne sont-ils pas – comme souvent chez les chantres des bonnes causes – coincés dans un rôle… d’allié «objectif» du mal? Rappel des épisodes précédents…

«Peace and love», couple maudit?

…sans remonter à Lysistrata ou à Erckmann-Chatrian, ni redescendre sur les côtes de la Californie qui chante l’amour à la mode des bonobos. Genève mars 2023: la périodique Conférence du désarmement (unidir.org sans oublier l’inévitable unidir.org/events/unidir-wiis-colab-feminist-approaches-international-security) bat son plein au Palais des Nations… et les amis de la paix donnent de la voix, c’est bien normal. Mais on ne peut s’empêcher de penser au grand penseur d’outre-Manche Bertrand Russell qui – à la veille de la Deuxième Guerre mondiale – voulait que son pays désarme car «les nazis auront l’air idiots d’arriver avec leurs casques sur des plages fleuries» (cité de mémoire). Une «Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires» – icanw.org… venue d’Australie (pays qui n’a rien à craindre, même de la Troisième Guerre) – prône aussi à sa manière le désarmement unilatéral. Depuis le début de l’année, on l’entend beaucoup, aux quatre coins du Palais des Nations, en marge de l’Uni chez Foraus et… à La Praille par la grâce de Sustainable Finance Geneva.

Pour le droit au divorce

Hélas! c’est le piège de toute bonne cause: on s’y engage car elle est bonne, et on y reste car c’est sa cause. On sait – du moins, Wikipedia sait – que la Campagne pour le désarmement nucléaire fondée par Bertrand Russell (entre autres; cnduk.org… à ne pas confondre avec icanw.org, ni avec pugwash.org… encore moins avec globalzero.org ni nuclear-free.com) fut financée des lustres durant par l’Union soviétique. Ce qui n’a pas empêché Catherine Ashton – une de ses dirigeantes devenue plus tard ministre des affaires étrangères de l’Union européenne – de venir en fin de compte à Kyiv exciter la foule contre un président pro-russe. Que de zigzags pour être toujours du «bon» côté… et c’est aussi ce qu’on se dit en écoutant les débats à Foraus ou à Sustainable Finance: ça sonne si bien de se sentir pour la paix et contre la guerre. Pourtant, l’enfant du Roi Nu s’exclamerait aussitôt «mais pousser au désarmement nucléaire… au boycott financier des industries nucléaires… dans le présent contexte, c’est désarmer les démocraties, alors que les despotes feront la sourde oreille».

Thémis, mère des sophistes?

Mais il y a peu d’enfants à ces réunions: plutôt des experts chevronnés, des militants enflammés, des journalistes engagés et des étudiants fascinés… sans mémoire (de la Déclaration d’Amsterdam de 1948 et de l’Appel de Stockholm de 1950). Si d’aventure un(e) sceptique du pacifisme unilatéral se fait entendre dans l’assistance, les orateurs admettent que «certes, nous entendons parfois cette objection» qui ne trouble en rien la bonne conscience des plaideurs. Qui trouvent ridicule la suggestion de commencer par une campagne pour rendre inoffensive Kaliningrad (cette enclave… russe malgré Kant… au cœur de l’Europe du Nord et base nucléaire). Comment oublier que si l’Amérique a rasé Nagasaki sous prétexte de finir la Guerre, la Russie en commence une en jurant d’en faire autant. Applaudie par la Chine ou le Mali au nom de la «justice»… puisque Thémis – épouse de Zeus – a eu pour filles l’équité, la loi et la paix. Bref, faire la guerre est ringard… sauf la «guerre à l’injustice»: jadis, on disait «qui veut la paix s’arme contre la guerre»… désormais, c’est «qui veut la guerre parle de justice».

Pas de morale sans vérité

Il est vain de chercher les gentils et les méchants: les guerres mondiales ont déjà été par deux fois «aussi fatales qu’une tragédie grecque», pour reprendre la formule classique… au grand dam des pacifistes d’apparat. On ne va donc pas conclure, sinon par un appel au «droit»… de se tromper et – plus encore – de changer d’avis: la vie de Bertrand Russell – le faux prophète cité plus haut et qui a droit à de longues pages de Wikipédia – est aussi celle d’un vrai prophète, ancré dans la logique la plus savante, très vite lucide sur les dérives du radicalisme politique: si les médecins doivent jurer fidélité à Hippocrate pour être diplômé, tous les autres «docteurs» devraient prêter serment à Russell.

 

Boris Engelson