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Loi sur le cinéma suisse

La jeune droite prône le «non»

27 Avr 2022 | Culture, histoire, philosophie

La nouvelle loi sur le cinéma contraint les fournisseurs de streaming (vidéo à la demande) suisses et étrangers tels que Oneplus, Netflix, Amazon ou Disney+ à verser à l’avenir chaque année au moins quatre pour cent de leur chiffre d’affaires réalisé en Suisse à l’industrie cinématographique suisse. S’ils refusent, ils devront verser une taxe de remplacement à l’Office fédéral de la culture. En outre, les acteurs concernés doivent désormais réserver au moins 30% de leur catalogue à des films européens et présenter ces films de manière bien visible. Les Jeunes UDC, PLR et les Jeunes Verts libéraux suisses s’y opposent.

Pour ces opposants, la nouvelle obligation d’investissement d’au moins 4% par an équivaut à un impôt sur les films; cet argent est retiré aux diffuseurs. Le nouvel impôt sur les films est totalement inutile, car la création cinématographique est déjà subventionnée chaque année à hauteur de bien plus de 120 millions de francs. II s’agit d’une atteinte flagrante à la liberté économique! De plus, les chaînes privées suisses devront désormais passer plus fortement à la caisse, ce qui est inutile. Cela nuit également à la place économique suisse.

Rien de libéral

Si plusieurs des partis cantonaux se disent favorables à cette révision de la loi sur le cinéma, d’autres sections et toute l’UDC suisse, ainsi que les Jeunesses de droite, sont vent debout. Au milieu de ces jeunes, un sénateur libéral-radical s’engage particulièrement pour le «non»: le conseiller aux Etats neuchâtelois Philippe Bauer. «Un esprit libéral ne peut pas accepter que des chaînes de télévision privée, c’est-à-dire dont les risques économiques pèsent uniquement sur des privés, se voient imposer une obligation de diffuser un pourcentage relativement important de films qu’elles ne souhaitent peut-être pas passer! Le même esprit libéral ne peut pas accepter, lorsqu’il s’abonne à une chaîne privée, que les pouvoirs publics s’arrogent le droit de décider ce qu’il pourra voir. Un esprit libéral ne peut que craindre que lorsque les milieux du cinéma auront obtenu 20 millions de plus par année, les autres milieux de la culture se disent que l’idée n’est pas mauvaise et que finalement une taxe de 4% sur les billets de théâtre pourrait financer la création théâtrale et une taxe de 4% sur la visite des monuments financer la restauration de ceux-ci… Et je ne discute même pas des milieux sportifs».

Pas efficace

Sacha Turin, vice-président des Jeunes UDC suisses, est tout aussi formel: «Les Jeunes UDC s’opposent fermement à la loi sur le cinéma et ont fortement contribué au succès du référendum. Pour nous, il est inadmissible que le Parlement taxe la consommation des jeunes pour servir leur clientèle! Les entreprises de streaming et de télévision seraient contraintes d’adapter leur modèle d’affaires afin de verser un impôt sur les films exorbitant et de réorganiser leur offre en ligne selon les souhaits du lobby du cinéma, qui bénéficie déjà de 120 millions par an de subventions».
Quant à Virginie Cavalli, coprésidente des Jeunes Verts Libéraux suisses, elle constate que «durant l’année 2019, seuls deux films suisses ont dépassé les 100 000 entrées et seulement 10% (30 sur plus de 300) des films suisses ont dépassé les 4000 entrées. Ainsi, en l’état, on peut difficilement estimer que l’argent public attribué au cinéma suisse et le produit de cette future taxe bénéficient au plus grand nombre. Enfin, suite à une hausse probable des prix liée à l’introduction d’une nouvelle taxe, une part non négligeable des utilisateurs des plates-formes légales de streaming se dirigeront vers des sites de téléchargement illégaux, ce qui n’est également pas souhaitable pour les milieux du cinéma». En 2019, année «non-Covid», l’Office fédéral de la statistique (OFS) a enregistré 839 167 entrées pour des films suisses. Si l’on divise les 120 millions de francs par ces entrées, il en ressort plus de 140 francs de soutien public pour chaque entrée en salle! Autant de raisons, pour les membres du Comité romand «Loi sur le cinéma NON», de rejeter la proposition du 15 mai.

 

François Berset