En 563, une vague gigantesque avale les rives du Léman. De Villeneuve à Genève, des dizaines d’habitants et de villages sont engloutis.

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Un roman de Carine Racine

La colère du Lémanus, catastrophe naturelle oubliée

2 Fév 2022 | Culture, histoire, philosophie

Dessinatrice et scénariste lausannoise, Carine Racine, qui crée depuis 1981 des histoires en bandes dessinées et des livres pour la jeunesse, a signé voilà quelque mois chez Cabédita un roman historique, réussi et palpitant, «La colère du Lémanus». En 563, une énorme vague provoquée par l’effondrement de roches avoisinant le Léman (ou lac de Genève), ravageant champs et bourgs, de Villeneuve à la cité de Calvin. Sigéric et son frère Salvius y perdent familles et terres. Si le premier devient messager d’un comte près de Lausanne, le second entre à l’Abbaye de Saint-Maurice comme moine.

Le roman évoque cette période historique où menaces naturelles et guerrières formaient la trame de la vie quotidienne.

Le cavalier Sigéric demeure dans la nostalgie du souvenir, la fille du comte lui rappelant son enfant disparu et qu’il ne verra jamais grandir. Salvius remplace son amour pour sa femme emportée par la catastrophe naturelle par sa foi et un intérêt marqué pour les plantes sauvages. En 569, Salvius recueille la jeune Valia, rescapée de l’incendie de son village provoqué par des hordes de barbares – les sinistres Longobards – venus du sud. L’Abbaye a bien failli, elle aussi, être incendiée, mais elle fut sauvé par les soldats francs. Les Helvètes se préparent à faire face à la menace des Longobards. Le roman, constitué principalement de dialogues bien construits, évoque cette période historique où menaces naturelles et guerrières formaient la trame de vies humaines bouleversées par des événements extérieurs.

Petite interview express de Carine Racine, auteur de ce livre réussi

– Pourquoi avoir choisi cette époque de notre histoire comme cadre de votre roman?
– J’ai découvert en lisant les Chroniques de Marius d’Avenches qu’un raz de marée avait dévasté les rives du Léman en 563. Je suis partie de cette catastrophe pour imaginer mon histoire, donc la retranscrire dans son époque.

– Pourquoi avoir choisi cet événement historique peu connu comme point de départ de votre récit?
– Cet événement a été très peu mis en lumière jusqu’en 2018, où les recherches de deux scientifiques dans les fonds de notre lac ont révélé des traces sédimentaires prouvant que ce raz de marée avait bien eu lieu à l’époque précitée.

– Pensez-vous que la catastrophe qui ouvre le roman a quelque chose à nous dire en 2021?
– La nature est puissante, elle fait très souvent ce qu’elle veut. Nous sommes bien peu de chose dans cette création magnifique. On devrait en tirer une certaine humilité.

– La forme choisie de dialogues successifs autour des personnages du récit peut-elle être rapprochée de votre travail de scénariste? Ou de celui de dessinatrice?
– Cette double expérience influence forcément mon processus narratif. Je «vois» les scènes. Il me suffit ensuite de décrire ce que j’ai vu. Je suis sensible à la richesse des dialogues, qui évitent parfois de longues descriptions et surtout rendent le récit plus vivant.

– Les personnages sont-ils inspirés de personnes réelles ou mentionnées dans les sources consultées?
– Certains, comme Marius, Theodofried et Vaefarius, ont réellement existé. J’essaie de les faire agir au plus juste, par rapport aux documents dont je me suis inspirée.

– Comment éviter tout anachronisme des faits et des sentiments, ainsi que des paroles, dans un tel roman historique?
– J’espère avoir été le plus possible respectueuse de la vie telle qu’elle pouvait être vécue à cette époque. Je me suis glissée dans la peau de chacun de mes personnages, en les faisant agir dans le contexte rude et instable de 569, en oubliant le confort et la technologie qui composent mon quotidien!

 

Propos recueillis
par Laurent Passer