Jean-Yves Gabbud.

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CULTURE - Un polar valaisan

Jean-Yves Gabbud sur les traces du trésor du pape

22 Jan 2025 | Culture, histoire, philosophie

Tour à tour politicien, député, responsable de journaux, simple journaliste et aujourd’hui auteur confirmé, ce Bagnard de 57 ans sort un cinquième polar. Une enquête consacrée au cardinal Mathieu Schiner, le plus célèbre Valaisan de toute l’histoire.

Ancien secrétaire général de l’UDI Valais (Union des Indépendants), suppléant au Grand Conseil, ex-rédacteur responsable d’une brochette de journaux locaux dans son canton (dont la mythique «Gazette des Reines», le «Journal de Sion», le «Journal de Savièse») et ex-rédacteur en chef-adjoint du «Nouvelliste», Jean-Yves Gabbud a désormais repris sa plume de reporter du quotidien et surtout, il publie un cinquième polar qui ravira les amateur de petites histoires comme d’Histoire avec un grand «H».

– Jean-Yves Gabbud, vous avez eu de nombreuses vies, des passions, des jobs hétéroclites mais toujours liés à l’écriture, et vous avez en prime à votre actif de nombreux livres ou projets de livres. Alors où se situe le vrai «JYG» dans ce parcours piloté pleins gaz?
– J’aime la vie, comme toutes celles et tous ceux qui sont des Valaisans à 100%. Je suis originaire de Bagnes. Mes grands-parents y avaient des vaches, ce qui explique l’une de mes grandes passions, en l’occurrence pour la race d’Hérens. Il faut voir à la fin de l’inalpe, sur l’alpage de Grands Plans à Verbier, un des plus importants du canton avec ses quelque 200 Hérens, il faut voir, disais-je, les vaches rentrer à l’écurie pour comprendre l’émotion que cette bête peut provoquer, jusqu’à faire partie de l’ADN du canton.
Bambin, je suis monté à l’alpage dès que j’ai su marcher. Je grimpais au sommet des pâturages où je pouvais rester des heures à contempler les bêtes. Quand j’ai pu tenir un râteau, puis une faux, j’ai fait les foins. J’ai parcouru la plupart des vallées et des alpages du canton. Il n’y a donc aucun hasard dans le fait que j’aie fini, pendant onze ans, par rédiger la «Gazette des Reines». Pour la petite histoire, j’étais interpelé beaucoup plus souvent dans la rue par mes lecteurs de l’actualité bovine que lorsque je couvrais ou que j’éditorialisais la politique dans le «Nouvelliste»!

– Mais avez-vous vraiment des vaches?
– J’en ai eu deux, mais cela demande beaucoup de temps et pas mal d’argent. Ma grande fierté est toutefois d’être désormais – par héritage familial – consort (ndlr: collectif de propriété) de deux alpages, qui plus est des deux côtés de ma vallée.

– Ce côté valaisan de choc, on le retrouve même dans la littérature, votre dernière passion en date…
– Ecrire, j’ai toujours aimé. Mais longtemps, le style journalistique m’a convenu, ou mieux, comblé. Pourtant, j’ai fini par avoir envie de laisser davantage courir mon imagination et ma plume. J’avais envie de davantage de liberté. Alors je me suis risqué à l’écriture d’un premier polar, puis deux, puis trois. J’en suis à cinq, mais j’ai quand même respecté une certaine zone de confort si l’on regarde les thèmes choisis: l’enfance, les reines, la Foire du Valais, le FC Sion, l’Eglise, avant – si, si, cela fait partie de mes projets – la chasse, l’ethnologie politique et – dans un genre plus décoiffant – les vipères, ce dernier en collaboration avec le célèbre herpétologue Yves Brunelli.

– Vous évoquez une ethnologie du monde politique, mais il y en a aussi une dans le milieu de l’élevage?
– Bien sûr, dans les deux! On a assez raconté les nuits bernoises au Café fédéral, au Bellevue Palace ou dans les établissements de nuit de la capitale. On peut en dire autant pour Sion, la rue de Conthey, le Grand-Pont, bref le cœur politique du Valais. Mais le monde des reines n’est guère différent, parfois même, il rejoint celui de la politique cantonale. Le soir après le travail, les écuries communautaires sont des lieux de passage, les passionnés se rendent visite. Chacun apporte une bouteille, ou du fromage, ou de la viande séchée, et on refait le monde, souvent très tard. Tout y passe: ce sont des tranches d’humanité authentique! On n’est jamais à l’abri de surprises. J’ai même trouvé dans certaines écuries la collection complète des «Gazettes des Reines».

La grande fierté de Jean-Yves Gabbud, est d’être désormais – par héritage familial – consort (ndlr: collectif de propriété) de deux alpages.

– Votre dernier roman, qui vient de sortir, «Le Trésor du Pape» (Editions Monographic), est consacré à un personnage que nous avons tous croisé dans nos livres d’histoire: le cardinal Mathieu Schiner…
– Une personnalité hors norme. Tout simplement le Valaisan le plus puissant de tous les temps, passé à quelques voix près d’être élu pape. Un échec cruel, dû avant toute chose à l’inimitié des cardinaux français. Joli lot de consolation: le Vatican lui a confié les commandes des troupes de l’Etat pontifical, ce qui en a fait un chef de guerre redouté. Il a ainsi commandé le contingent suisse à la célèbre bataille de Marignan en 1515, face à François 1er.

– Pouvez-vous nous résumer le thème de ce polar?
– Le cœur de l’intrigue se passe au moment où le cardinal veut rentrer en Valais après la bataille, mais où son ennemi intime Georges Supersaxo a soulevé la population contre lui. Du coup, l’homme d’Eglise ne peut plus récupérer son trésor, qui doit servir à payer les mercenaires suisses. Va-t-on un jour retrouver ce pactole caché? Là est tout l’enjeu du roman. Rendez-vous à l’abbaye de St-Maurice pour le dénouement…

– Vous avez un rapport très particulier à l’écriture?
– J’aime écrire pour être compris du plus grand nombre, dans un roman comme dans un journal. Ma devise: le style ne doit pas être un obstacle à la lecture. Par contre, en racontant la grande Histoire dans les pages d’un polar, je permets à mon lecteur de se divertir et de ressortir du livre en ayant appris quelque chose.

– Vous évoquez le Valais de la tradition, le Valais de l’histoire, mais comme journaliste et passionné de la politique, vous notez également l’émergence d’un Valais moderne…
– On peut le voir au Gouvernement comme au Parlement: le temps du parti unique et des ukases est achevé; on travaille beaucoup plus aujourd’hui à partir de compromis débattus en amont et les vraies solutions émergent toutes d’actions multipartites. Autre signe d’une modernité qui gagne du terrain: la double présence, très animée, de l’EPFL et de la HES/SO, qui fait de Sion un pôle éducatif d’excellence comme il n’en existe que peu en Suisse. En matière d’économie, les investissements massifs de notre leader industriel, la Lonza, sont en train de modifier en profondeur le Valais, de Sierre à Brigue, et pas seulement sur le marché immobilier. Le Valais n’a pas fini de surprendre! Ses écrivains non plus.

 

Propos recueillis par
Jean-François Fournier

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